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soluble dans l’eau, aromatique, à laquelle il doit principalement ses propriétés caractéristiques ; 2° de la caféine cristallisable, amère, identique avec celle du café, à peu près en égales proportions ; 3° des substances azotéee semblables de composition à celles des organismes animaux, et pouvant concourir à la réparation de nos tissus ; 4° des matières grasses, des substances mucilagineuses et salines propres aussi à jouer un rôle dans l’alimentation, de la cellulose, etc. À la vérité, une faible proportion, la moitié à peine, des principes immédiats solubles peut passer en dissolution dans le breuvage tel qu’on le prépare. Il faut même se garder alors d’extraire par l’eau bouillante toute la quantité des produits solubles de la feuille de thé, car on n’obtiendrait ainsi qu’une infusion acerbe, astringente et surchargée du tanin que la feuille recèle. En tout cas, l’infusion, si on l’a convenablement faite en employant une quantité de 20 grammes de thé et 1 litre d’eau bouillante, ne contient guère en moyenne qu’un peu plus de 6 grammes de la substance même de la feuille, le tiers seulement de ce que renferme l’infusion du café telle qu’on la prépare habituellement en faisant filtrer 1 litre d’eau bouillante sur 100 grammes de café en poudre ; encore dans celle-ci la quantité de substance azotée se trouve-t-elle double de celle que contient l’infusion de thé[1].

Entre les thés verts et les thés noirs, l’analyse signale des différences notables, insuffisantes toutefois pour rendre compte entièrement des effets particuliers de chacune des préparations ainsi désignées, et surtout de l’action si énergique du thé vert sur certaines personnes. Il aurait fallu, pour mener à bien cette curieuse démonstration, extraire le principe actif spécial des thés vert et noir ; c’est jusqu’ici ce qu’on a tenté vainement. Les analyses de M. Péligot ont seulement fait reconnaître que le thé vert normal renferme toujours en plus fortes proportions que le thé noir des principes

    M. Péligot a démontré que les proportions de substances azotées admises par Mulder étaient trop faibles, qu’il fallait porter la caféine à 2 et même 3 pour 100, et les matières azotées neutres albumine, caféine, etc., à 20 centièmes environ. Il a en outre déterminé d’une manière plus exacte les proportions des substances entraînées en dissolution par les première et deuxième infusions de thé.

  1. Certains peuples barbares ont cependant trouvé un curieux procédé pour faire servir le thé à l’alimentation en utilisant les principes les plus alibiles de la plante et en se garantissant de l’action trop énergique en ce cas du principe essentiel. « Le thé, dit Victor Jacquemont, vient à Cachemyr par caravanes au travers de la Tartarie chinoise et du Thibet… On le prépare avec du lait, du beurre, du sel et un sel alcalin amer… En Kanawer, on fait bouillir les feuilles pendant une heure ou deux, puis on jette Veau, et l’on accommode ces feuilles cuites avec du beurre rance, de la farine et de la chair de chèvre hachée. » Il ne peut rester de doute sur la propriété nutritive de ce mélange dépourvu d’arôme délicat ; mais tout Européen partagera sans doute le sentiment du spirituel voyageur, lorsqu’il termine en disant : « C’est un ragoût détestable. »