les marchands, afin de flatter la manie des acheteurs, ont employé à profusion l’ocre rouge, qui colore maintenant avec une exagération tout artificielle les barils pleins de ces petits poissons exposés en vente aux regards du public.
Après de tels exemples, on ne saurait s’étonner que, connaissant la juste renommée des thés verts de première qualité, réservés aux personnages de l’empire chinois, la faveur du public ait été un moment acquise aux produits doués de cette nuance verte, qu’enfin l’exagération de la couleur soit devenue, de la part des Chinois d’abord, puis de quelques spéculateurs européens, un moyen de faciliter la vente en flattant le goût du public. Rien n’est plus aisé d’ailleurs que d’obtenir cette couleur si recherchée. Voici les pratiques que les Chinois nous ont transmises, involontairement sans doute, car c’est en analysant leurs produits que les moyens artificiels ont été découverts. Ces procédés sont très simples. Ils sont de deux sortes suivant que l’on veut rendre plus vive la coloration verte, ou que l’on veut en outre ajouter l’apparence du duvet blanchâtre, indice de la présence de ces jeunes bourgeons qui font reconnaître les thés de qualité supérieure.
La coloration verte, et parfois d’un vert bleuâtre, s’obtenait autrefois au moyen du bleu de l’indigo et du jaune de curcuma. Le mélange des deux couleurs produisait le vert plus ou moins intense, avec un reflet bleuâtre si l’indigo dominait. Depuis la découverte du bleu de Prusse, cette couleur minérale a complètement remplacé l’indigo dans la coloration du thé en Chine, et la plupart des thés verts reçoivent cette teinture[1]. Quant à l’apparence de duvet simulant l’aspect des jeunes feuilles et des bourgeons, elle est produite par le sulfate de chaux (plâtre) pulvérisé. Ces mêmes substances ont été employées en France et en Angleterre, et très probablement en d’autres pays, pour rendre aux thés détériorés par diverses causes accidentelles l’apparence du thé vert normal ; De telles falsifications ne peuvent qu’être préjudiciables à la santé, soit qu’elles dissimulent certaines altérations qui ont enlevé une partie des principes utiles du thé naturel, soit par l’addition de substances plus ou moins insalubres, le plâtre notamment, cause des effets malins
- ↑ C’est ce qui résulte des recherches nombreuses publiées à Londres par M. Warington, de la Société de pharmacie. Tous les échantillons de thés verts pris dans les caisses demeurée intactes chez un des principaux négocians de cette ville offrirent des quantités plus ou moins notables des matières colorantes employées à ces teintures artificielles, sans compter la poudre de plâtre cru ou calciné. Dans son remarquable mémoire sur la composition chimique du thé de qualités diverses et des infusions que l’on on obtient, M. Péligot a démontré en outre que ni l’oxyde ni les sels de cuivre ne font partie des matières colorantes usitées en Chine pour teindre les thés verts.