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de bambou. Trois ou quatre ouvriers se placent autour de la table de telle façon que chacun puisse rouler, pétrir, manipuler une double poignée de ces feuilles, les presser et les étendre tour à tour, facilitant ainsi l’exsudation, le mélange des liquides et l’évaporation à l’air ambiant, qui, par degrés, concentre les sucs et prépare la dessiccation ultime. Au bout de cinq minutes encore, ou un peu plus si l’air ambiant est humide, le volume des feuilles se trouve réduit des deux tiers ou des trois quarts ; on leur fait subir alors une sorte de vannage avant de les étendre à l’air, qui doit continuer la dessiccation sans trop la précipiter. Un temps un peu couvert est favorable, tandis que sous un soleil ardent la dessiccation trop rapide, saisissant une partie des sucs enfermés dans les cellules du parenchyme, maintiendrait inégalement l’humidité intérieure. Après le vannage, on procède au second chauffage des feuilles à, demi desséchées : on les replace dans les bassines, et chaque travailleur reprend son rôle, l’un des ouvriers rallumant le feu et le dirigeant avec soin, les autres agitant sans cesse les feuilles à la main, puis, à l’aide du petit balai, les rejetant sur les plans inclinés autour de la bassine. Toute l’opération, en y comprenant le double chauffage ainsi que l’exposition intermédiaire à l’air libre, dure en moyenne une heure, d’après les informations prises par un savant et spirituel botaniste anglais, sir Robert Fortune[1], dans plusieurs des fermes spéciales qu’il a visitées.

Dès que tout le travail de la dessiccation est terminé, on soumet les produits à un criblage qui a pour objet d’éliminer la poussière et de classer les thés : ceux qui offrent les feuilles les plus petites sont les plus estimés, ceux dont les feuilles sont plus grandes et plus inégales en volume ont une valeur moindre. On enferme chaque sorte triée de cette manière dans des boîtes ou paniers à tissus serrés, on foule les thés avec précaution, puis on les recouvre d’étoffe double ou triple jusqu’au moment de les expédier ; les sortes sont alors plus fortement entassées dans des caisses hermétiquement closes ornées de peintures et vernies. Le thé de couleur verdâtre peu foncée ainsi obtenu et classé est d’une qualité supérieure et généralement réservée pour le commerce intérieur ; on le désigne sous le nom de tsaon-tsing (thé séché en bassines). Une légère modification dans les procédés de préparation donne un produit un peu moins délicat que l’on n’exporte guère non plus, si ce n’est par les caravanes qui se rendent en Russie. On nomme hong-tsing ce produit intermédiaire, qui correspond à un mélange de thé vert et de thé brun. Quant aux thés noirs, ils sont en grande partie destiné

  1. Voyez, sur les voyages de sir Robert Fortune en Chine, la Revue du 1er juillet 1858.