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dont la couleur verdâtre a peu changé, soit les foins bruns, obtenus à l’aide d’altérations particulières. Pour les fourrages comme pour le thé, ces différences de couleur correspondent à des différences de propriétés. On a remarqué en France que d’assez notables dérangemens survenaient dans la santé des animaux nourris avec des fourrages verts, tandis qu’on obtenait d’excellens effets des mêmes plantes, soumises à une simple macération en tas durant 36 ou 48 heures. Un de nos plus habiles agronomes, M. Decrombecque, a fondé sur ces observations une méthode qui lui permet d’utiliser dans les rations alimentaires de ses animaux toutes les feuilles vertes récoltées dans ses exploitations rurales. D’autres éleveurs, amis du progrès, ont été amenés à des tentatives plus hardies encore par l’analogie qu’on vient de signaler entre les procédés de préparation du thé et des foins. Ils ont essayé, non sans succès, d’appliquer des infusions de foin à l’alimentation des jeunes animaux de l’espèce bovine. Les analyses faites de ces liquides par un savant professeur de chimie ont constaté que dans cette série d’expériences les novateurs étaient complètement d’accord avec les données fondamentales de la science.

Il ne suffit pas toutefois d’exposer en traits généraux les principes de la culture et de la préparation du thé : c’est la pratique même, qu’il faut étudier. Plaçons-nous un moment au milieu d’une famille chinoise, comprenant deux ou trois générations de travailleurs. Hommes, femmes, vieillards, enfans, chacun ici a son rôle. La première cueillette donnera, on le sait déjà, le thé le plus fin. C’est vers le 15 avril qu’on effectue cette importante récolte dans les nombreuses fermes des districts à thé vert du nord, aux environs de Ning-po. Les feuilles subissent sur un feu léger deux dessiccations entre lesquelles a lieu une exposition à l’air. Ce premier produit est tellement supérieur par la finesse de l’arôme, qu’on le réserve pour un commerce exceptionnel, ou pour être offert en cadeau aux personnages éminens de l’empire. Il est connu sous la dénomination de jeune hyson, qui indique l’état des folioles encore jeunes employées à le préparer. On s’expliquera aisément le haut prix et la rareté du jeune hyson, si l’on tient compte des circonstances de la récolte. Non-seulement en effet les bourgeons d’un faible volume produisent peu et nécessitent une main-d’œuvre dispendieuse, mais encore, en enlevant ainsi aux arbustes une proportion notable de leur sève ascendante avant que les organes foliacés soient assez développés pour puiser dans l’atmosphère une partie de leur nourriture, on affaiblit la plante, et la production totale s’amoindrit.

Cependant, lorsque les pluies sur lesquelles on compte dans cette saison surviennent à temps, que la terre détrempée est en outre