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Ainsi d’un côté la transformation de la flotte actuelle est devenue nécessaire pour imiter les autres nations, mettre nos bâtimens à l’abri du canon rayé, et faire que la défense soit à la hauteur de l’attaque. D’autre part, le personnel suit la révolution imprimée au matériel, et nous permet de faire face à tous les armemens, à toutes les difficultés particulières, de posséder en un mot une marine sérieuse, homogène, débarrassée de tous ses bâtimens inutiles à la guerre. Cette marine sera naturellement divisée en quatre catégories très distinctes : la première, composée de puissans navires cuirassés, à grande vitesse, montés surtout par des matelots fusiliers et canonniers : ce sera la flotte de combat, de siège et de débarquement, — la deuxième, renfermant assez de frégates et de bâtimens inférieurs, également blindés, avec mâture (montés par un plus grand nombre de vrais marins), pour assurer le service de nos stations lointaines : ce sera la flotte de campagne au long cours ; — la troisième, comprenant les transports actuels, les vaisseaux trop vieux pour être rasés et cuirassés, enfin les frégates ou avisos en bois, en fer, à hélice et à roues : ce sera le train maritime ; — la dernière, avec ses canonnières de toutes les classes, dont l’activité sur les fleuves et dans les débarquemens est suffisamment démontrée, formera l’escadre de flottille.

Avec son personnel pour ainsi dire inépuisable, puisque la conscription y tiendra une grande place, la construction de cette nouvelle flotte cuirassée ne sera plus qu’une affaire d’argent, et n’aura de limite, comme puissance, que les ressources financières du pays. Au point de vue du matériel, nous aurons une vraie flotte de guerre pouvant combattre souvent sans se radouber, et réunissant toutes les qualités qui lui sont indispensables : la force dans l’artillerie, la rapidité dans les traversées et dans les évolutions, enfin l’économie dans la consommation du charbon. Au point de vue du personnel, notre marine, se recrutant désormais en grande partie comme l’armée, deviendra populaire comme elle. Ces milliers d’hommes familiarisés avec la mer par un séjour de quelques années sur nos bâtimens et dans nos ports propageront dans leurs foyers les instincts maritimes. Le goût d’un noble métier pénétrera peu à peu dans les mœurs. Nous n’affaiblirons point l’armée en lui prenant un plus grand nombre de conscrits qu’on ne le faisait autrefois ; nous la compléterons en quelque sorte. Ces hommes faisant partie de compagnies distinctes, ne contenant chacune qu’une seule spécialité de canonniers, ou de fusiliers, ou de marins, avec un cadre permanent d’officiers de marine, de sous-officiers et de quelques vieux matelots, formeront des bataillons complets. Ils seront pour les côtes et les ports la meilleure défense en temps de guerre. Dans