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simplifier la construction des canonnières démontées, d’en diminuer et diviser les poids, pour les rendre aussi facilement transportables par les voitures que le sont aujourd’hui les matériels de siège du génie et de l’artillerie de terre. Les canonnières sont destinées à remorquer et à servir de défense à ces ponts de bateaux toujours si difficiles à jeter sur les grands fleuves de l’Europe, sous le feu de l’ennemi. Avec elles, un général en chef pourra choisir son lieu de passage, sans que jamais le courant par sa force ou son obliquité, la rivière par sa largeur ou sa profondeur, ou même des fortifications de campagne, puissent l’arrêter un instant. Dans les retraites, avant de s’échouer et de se faire sauter, elles sont capables de lutter des journées entières contre une artillerie puissante ; elles peuvent ainsi empêcher soit le rétablissement immédiat d’un pont, soit le passage en bac de colonnes ennemies. Ne seront-elles pas enfin une précieuse ressource pour la surveillance des mouvemens d’une armée dont on voudra inquiéter les flancs et brûleries moyens de transport ?

Depuis le 3 juillet 1859 jusqu’au 8, les habitans de Desenzano entendirent nuit et jour retentir le bruit des instrumens, les chants des ouvriers et les cris des sentinelles. Tout marchait rapidement ; bois, canons, chaudières, masques étaient descendus du haut de la montagne, et déjà une canonnière se trouvait prête à être lancée. La guerre maritime allait commencer sur le lac, et les habitans demandaient chaque jour l’heure du lancement, quand tout à coup, le 8 au matin, les premiers bruits d’un armistice conclu avec les Autrichiens commencèrent à se répandre. Au milieu de ces matelots et de ces ouvriers, si intéressés à la continuation de la guerre, cette nouvelle trouva bien des incrédules ; mais quelques heures après la suspension d’armes jusqu’au 15 août fut annoncée officiellement. Les outils tombèrent des mains des ouvriers, un silence de mort régna dans les chantiers, le courage de continuer manquait à tous.

Le même repos, la même tristesse succédaient dans l’Adriatique à la même animation guerrière. La flotte de Venise, comme on l’a vu, était le 8 au matin sous vapeur, quand l’Eylau, l’un des vaisseaux de l’escadre de blocus, envoyé par l’amiral Jurien, vint le long de la Bretagne porter la nouvelle inattendue. On continua d’avancer, car nos marins ne la tenaient encore que de l’ennemi, et l’on pouvait craindre une ruse de guerre. Le 9 au matin, l’escadre mouillait donc sur six lignes, devant Venise, en vue des dômes de Saint-Marc, en face de Malamocco. À bord des bâtimens, on conservait encore l’espoir que l’armistice ne serait pas suivi de la paix. Une dépêche du quartier-général dissipa brusquement tous les doutes. Les préliminaires de Villafranca étaient annoncés, et l’ordre était donné de rallier Toulon en évacuant Lossini.