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le pont augmente les ravages des boulets et gêne le tir de l’artillerie. Sur vingt et un petits bâtimens du pays, appelés trabacoli, pris pendant le blocus ou trouvés au port Augusto, on construisit des plates-formes pour recevoir les mortiers et les canons-obusiers de 0m,16 des chaloupes. En un mot, par des travaux incessans de jour et de nuit, l’on se prépara pour une lutte prochaine, et qui devait être sérieuse.

L’attaque contre Venise et Chioggia avait pour but, on le sait, de nous relier à l’armée de terre ; la présence d’un corps nombreux de débarquement à bord des vaisseaux était donc absolument nécessaire. Les marins de l’escadre pouvaient bien, après que le feu des forts eût été éteint, tenter un coup de main hardi, occuper des bastions ; mais ils n’étaient pas assez nombreux pour enlever à l’abordage et garder une ville de 25,000 habitans comme Chioggia. Ils eussent été assiégés après leur victoire, et le but que l’on se proposait n’eût pas été atteint. Aussi, dès que la victoire de Solferino nous eut assuré la ligne du Mincio, l’ordre fut expédié à une des divisions de Paris de partir pour Toulon, de s’embarquer sur deux transports, et de former, sous le commandement du général Wimpfen, l’avant-garde d’un corps d’armée qui devait venir plus tard d’Algérie sur les bâtimens de l’escadre de l’amiral Jéhenne.

Le 5 juillet, trois mille hommes d’infanterie arrivèrent devant Venise, où ils ne trouvèrent que l’escadre de blocus. Ils revinrent aussitôt à Lossini, où on les attendait avec une grande impatience, car l’ordre d’attaquer pouvait venir d’un moment à l’autre, et sans l’infanterie le rôle de la marine devant Venise se bornait à une simple canonnade comme celle du 17 octobre devant Sébastopol. Les soldats entassés sur les transports furent répartis sur ces vaisseaux ; on voulait ainsi rendre leur débarquement plus prompt lorsque le moment serait venu. Enfin, le 7 juillet au matin, une dépêche de l’empereur datée du 6 donnait l’ordre de marcher sur Venise, et mettait un terme à l’impatience de tous ces braves gens. L’activité redoubla ; cette fièvre de gloire qui saisit tous les hommes à l’approche d’un combat faisait oublier les fatigues. Quand le 8 au matin le signal d’appareiller fut hissé en tête du grand mât du vaisseau amiral, tout le monde était prêt à faire joyeusement son devoir.

Personne alors ne doutait du succès ; les dispositions des Vénitiens en notre faveur étaient connues, et deux jours suffisaient à la marine française pour triompher des obstacles longtemps amassés par l’ennemi. Tout le poids du combat devait porter principalement sur les bâtimens blindés composant l’escadre dite de siège. Les huit compagnies venues de Toulon, les fusiliers des vaisseaux, trois