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San-Felice et la ville de Chioggia. Enfin, pour se rendre maître de la route de Padoue, il fallait éteindre le feu du bastion et du pont de Madona et bombarder Brondolo. Tout ce système de défense était complété par de nombreuses batteries disséminées de chaque côté des lagunes. On était convaincu d’ailleurs que l’ennemi avait remplacé ses canons de 18 et de 12 par des pièces de 30 venant de sa flotte.

Pour triompher de tous ces obstacles, nos ports du nord armèrent non-seulement la plupart de leurs navires, mais encore les canonnières de première et de deuxième classe qui s’y trouvaient depuis la paix avec la Russie. Toulon prépara en outre les trois batteries flottantes dont les services à Kinburn avaient été si bien appréciés[1]. On décréta le 23 mai la composition de l’escadre de guerre proprement dite, qui fut divisée en deux catégories bien distinctes, sous les ordres du vice-amiral Romain-Desfossés. La première se composa de quatre vaisseaux à vapeur et de deux frégates à hélice. La deuxième, la véritable escadre de siège, sous les ordres du contre-amiral Bouët-Willaumez, renfermait deux divisions : la première comprenant trois groupes, quatre frégates à roues, trois batteries flottantes et cinq chaloupes canonnières ; la deuxième, sous les ordres du capitaine de vaisseau Laroncière Le Noury, forte de quatorze canonnières de première et de deuxième classe, et de quatre corvettes à vapeur à roues. Une division navale sarde de deux frégates et de trois corvettes et avisos à vapeur devait se joindre à l’escadre française. Un détachement d’artillerie de marine avec huit mortiers à plaques, quatre compagnies d’infanterie de marine et autant de matelots fusiliers, fortes de cent hommes chacune, furent désignés pour être embarqués sur ces différens bâtimens, comme têtes de colonnes d’assaut, et fournir une garnison dans les îles et les forts dont l’armée navale pouvait s’emparer. La flotte combinée se trouvait ainsi portée au chiffre de cinquante-quatre bâtimens de guerre de tous rangs, armés de plus de huit cents pièces de 30, 50, 80, de canons rayés, et montés par douze mille matelots. Vingt et un transports de commerce chargés de vivres, munitions et charbon, devaient suivre la flotte et pourvoir à son ravitaillement. L’escadre du contre-amiral Jehenne, de quatre vaisseaux et de deux frégates à hélice, restait en réserve à Toulon, pour faire face aux éventualités et aux transports de troupes d’Algérie à Venise. Brest arma encore quatre vaisseaux, qui furent placés sous les ordres du vice-amiral Fourichon.

  1. Voyez, sur les batteries flottantes dans la guerre d’Orient, la Revue du 1er et du 15 février 1858.