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de la terre ferme, Chioggia par exemple, destiné à recevoir des troupes qui, reliées avec l’armée, auraient aisément refoulé les Autrichiens derrière la Brenta et tourné enfin Vérone. L’expédition de l’Adriatique était mieux qu’une simple diversion, c’était une attaque sérieuse, qui pouvait nous donner la Vénétie en faisant tomber dans nos mains la plus importante des redoutables forteresses regardées à juste titre comme la clé du pays.

Dans la dernière guerre d’Italie, notre armée de terre formait donc le centre, et l’escadre les deux ailes extrêmes de l’attaque. La marine coupait les grandes lignes de communication de l’ennemi avec le reste de l’empire par les voies rapides : d’un côté par Trieste, Venise et Trévise, de l’autre par Botzen, Roveredo et Riva. Les flancs et les derrières de l’armée se trouvaient ainsi complètement couverts. On suivait une tactique analogue à celle dont les résultats avaient été si heureux dans la guerre de Crimée. En s’emparant de Kertch, de Ienikalé et des villes du littoral de la mer d’Azof, en brûlant les approvisionnemens des Russes, en interceptant la route des renforts par le Don, et plus tard par le Dnieper, en démantelant Kinburn, la marine avait alors resserré la guerre dans une presqu’île qu’elle isolait du reste de la Russie. Le rôle si utile que la marine avait rempli dans la guerre d’Orient, elle pouvait le reprendre avec plus d’éclat encore dans la guerre d’Italie, soit en assurant la présence à temps de nos troupes sur les champs de bataille par des transports multipliés, soit en protégeant, en secondant même leurs manœuvres par de puissantes diversions.

Si l’on veut maintenant voir dans la mariné non plus seulement l’auxiliaire de l’armée de terre, mais un instrument de combat servi par ses propres ressources, les travaux accomplis par la flottille du lac de Garde ne sont pas moins dignes d’attention, comme témoignage d’un emploi nouveau de la force navale. Devant Venise, on a pu reconnaître combien il importe d’avoir toujours à la mer un matériel blindé et cuirassé, en prévision d’une attaque contre une place forte maritime. Dans le lac de Garde, on a pressenti ce que pourrait faire, si elle était jamais mise à l’œuvre, une marine de création toute récente, appelée à porter des coups non moins redoutables dans l’intérieur des terres que sur les côtes. Observés sur ces deux théâtres d’action, d’abord dans l’Adriatique, puis sur le lac de Garde, nos marins ont été, on s’en convaincra sans peine, les dignes émules de nos soldats.