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entre le catholicisme philosophique français et le mahométisme fataliste de l’Africain il l’a le catholicisme espagnol avec ses tendances fatalistes et ses reflets orientaux… » Et l’orateur espagnol ajoutait : « L’Europe croira-t-elle que c’est beaucoup exiger de demander une influence sur des côtes barbares que nous touchons de la main et dans un pays qui fait en quelque sorte partie de notre territoire… Il est temps enfin d’appliquer cette politique aux affaires de l’état. De grands événemens se préparent ; le monde marche à la réunion d’un congrès général ou à la guerre… Il faut que nous soyons prêts. » Ainsi parlait Donoso Cortès en 1847.

L’opinion publique en Espagne a donné instinctivement à la guerre actuelle ce caractère d’une revendication d’influence. Aussi, lorsque le général O’Donnell se présentait devant les chambres portant cette déclaration d’hostilité contre le Maroc, tous les partis se sont associés dans un même sentiment pour offrir leur concours au gouvernement. Les actes d’adhésion se sont succédé sous toutes les formes. Les provinces basques, qui ont toujours le privilège d’un régime spécial pour la conscription et les contributions, et qui n’en sont que plus florissantes sans être moins patriotiques, ont voté des fonds, pris l’initiative de la formation d’une légion. En un mot, la guerre contre le Maure selon l’ordre du jour d’un des généraux de l’armée expéditionnaire, la guerre dans une pensée de civilisation, d’action indépendante et de grandeur, sans autres limites que l’intérêt et l’honneur de l’Espagne, c’est là ce que l’opinion publique a saisi d’abord et ce qui l’a entraînée. Est-ce là cependant la guerre telle que le gouvernement a pu l’entendre, telle qu’il la fera ? Il faut reconnaître que le ministère, en s’appuyant sur le sentiment national, où il puisait une force pour marcher en avant, se trouvait en même temps limité par d’autres conditions, d’autres intérêts et d’autres politiques qui ne sont pas à Madrid.

La France, quant à elle, ne pouvait voir d’un œil jaloux ni la résurrection militaire de l’Espagne, ni ses tentatives pour s’asseoir dans cette partie du nord de l’Afrique où ses soldats campent aujourd’hui. La plupart des autres puissances de l’Europe ont un égal intérêt à voir le littoral africain gardé, délivré de la piraterie barbaresque, qui menace encore leurs navires et leur commerce. Il n’en est pas absolument de même de l’Angleterre, maîtresse de Gibraltar, intéressée ou se croyant intéressée à préférer sur la côte du Maroc une domination barbare à une domination civilisée, et toujours portée à s’inquiéter des établissemens qui pourraient se former en face de ses positions. L’Angleterre s’est émue dès le premier instant, et elle a multiplié ses efforts pour retenir l’épée de l’Espagne d’abord, puis pour circonscrire son cercle d’action, enfin pour placer