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comme cela a été fait récemment un peu à l’exemple de la France : ce sont les généraux les plus dévoués à la fortune du président du conseil, ceux de Vicalvaro, qui ont le privilège de ces grands commandemens. C’est le comte de Lucena qui est aujourd’hui général en chef de l’armée d’Afrique sans cesser d’être chef du cabinet, et ce sont ses amis qui sont à la tête des divisions espagnoles. Le mouvement naturel des institutions s’efface un peu, et la personnalité d’un homme domine trop sous le voile d’une combinaison décorée d’un nom brillant. En un mot, à ne considérer que certains actes, le général O’Donnell semble se préoccuper bien moins de renouveler sérieusement le cadre et les conditions de la politique espagnole que de créer une situation où seul il puisse gouverner, une de ces situations toujours risquées dont lui-même il révélait tout à la fois la force et la faiblesse, eh disant un jour devant le parlement : « Le fait est qu’après nous je ne sais ce qui viendra. »

La condition première d’une telle politique, c’est de réussir, de frapper l’attention, d’agir sans cesse sur ses amis et sur ses ennemis par ce qu’elle fait ou ce qu’elle promet, quelquefois par des diversions heureuses. C’est ainsi que le général O’Donnell, qui n’ignore pas les nécessités de sa situation, arrivait à la dernière session du mois d’octobre en ayant à soumettre au parlement le résultat favorable d’une négociation nouvelle avec Rome, comme il était conduit par les circonstances à faire un appel au sentiment national espagnol pour une guerre contre le Maroc : deux faits qui sont jusqu’à ce moment le dernier mot de la politique du cabinet de Madrid. Ce n’est pas la première fois, on le sait, que les ministères de l’Espagne ont eu à négocier avec le saint-siège au sujet des propriétés du clergé. Cette question qu’on croyait résolue par le concordat de 1851, et qui était remise en doute par les lois de 1855, a été la source de mille difficultés. Le cabinet O’Donnell, dès son avènement, faisait de la vente des biens du clergé et de l’exécution définitive du désamortissement civil et ecclésiastique un des points de sa politique. Quant aux propriétés religieuses, il subordonnait seulement la réalisation de sa pensée à une entente avec Rome ; mais là était la difficulté. On se trouvait en présence d’un arrangement tout récent qui validait les ventes opérées en vertu de la loi de désamortissement de 1855, et qui assurait au clergé, en compensation, d’autres biens qui ne lui avaient pas appartenu jusque-là. Cet arrangement, préparé par le ministère du général Narvaez, datait à peine des premiers jours de 1858.

Demander à la cour de Rome de défaire le lendemain ce qu’elle avait fait la veille était délicat. Le nonce du pape à Madrid, Mgr Barilli, refusait nettement d’entrer dans cette négociation. C’est alors