Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/126

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trop l’Autriche au centre de l’Europe et en créant indirectement un péril pour l’Espagne elle-même. Cette double pensée, M. Pacheco la résumait dans la discussion du sénat en disant : « Je ne cherche pas à le cacher, mon désir est que l’Italie soit indépendante, qu’il y ait une puissance italienne, et je ne conçois pas qu’il y ait un Espagnol qui n’ait le même désir. Je souhaite qu’un pays qui nous est uni par tant de souvenirs historiques, par la ressemblance des institutions, — je parle ici de la Sardaigne, — et par tant d’autres raisons, je souhaite, dis-je, que ce pays sorte victorieux de la lutte ; mais je souhaite aussi que l’Autriche reste grande et forte, parce qu’il est nécessaire qu’il y ait au centre de l’Europe une grande puissance réunissant des conditions de stabilité et de force (11 mai 1859). »

Le gouvernement espagnol avait lui-même des devoirs particuliers. Comme représentant d’une monarchie catholique, il ne pouvait voir avec indifférence des événemens où allaient s’agiter peut-être les destinées temporelles du saint-siège. D’un autre côté, on ne pouvait oublier au-delà des Pyrénées que les souverains espagnols sont les chefs de la maison de Bourbon d’Italie, que les ambassadeurs de la reine Isabelle étaient récemment encore les ambassadeurs des ducs de Parme. De là une protestation du cabinet de Madrid pour sauvegarder diplomatiquement les droits du duc de Parme. Au fond, si on cherchait à analyser toutes les impressions diverses qui s’agitaient en Espagne au spectacle de la crise italienne, on y saisirait peut-être bien des nuances, — une certaine sympathie naturelle pour l’affranchissement de l’Italie, une crainte instinctive de l’esprit catholique, un sentiment vague de ce que fut la puissance espagnole autrefois au-delà des Alpes et de ce qu’elle n’est plus, une confiance très limitée dans la politique de la France impériale, et par instans une sorte d’inquiétude née des souvenirs de 1808 ou de quelques autres petits faits plus récens. En tous les cas, la guerre d’Italie avait, pour le général O’Donnell, le suprême avantage de créer une grande préoccupation au moment de la clôture des cortès, et de le laisser armé d’une force nouvelle au milieu de partis qui se voyaient obligés de lui accorder une certaine liberté d’action dans la crise européenne, sans renoncer, il est vrai, à leur opposition dans les affaires intérieures.

Six mois sont passés. Une autre session s’est ouverte au mois d’octobre, et elle a trouvé encore debout le cabinet du 30 juin 1858, dont l’existence s’est prolongée assurément au-delà des prévisions ou des espérances de ceux qui n’ont voulu chercher la mesure de sa durée que dans la valeur propre de sa politique. Deux choses ont fait vivre le ministère, personnifié dans le général O’Donnell,