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longtemps occupé. D’autres, et quelques-uns des chefs les plus éminens du parti, tels que M. Bravo Murillo, semblaient se retirer pour le moment de la lutte, non sans quelque découragement, et étaient décidés à ne point livrer leur nom aux chances du scrutin. Certains groupes modérés cependant n’avaient pu dissimuler leur surprise, leur mécompte et leur irritation à l’avènement du cabinet du 30 juin. S’il y eut une trêve au premier instant, cette trêve fut de courte durée. Une vigoureuse et ardente opposition conservatrice s’était organisée aussitôt, et c’est dans la presse, — à demi libre de fait, sinon légalement, puisque la loi de M. Nocedal subsistait toujours, — que cette opposition allait faire la guerre, tantôt par une ironie spirituelle et acérée, comme dans le journal l’Estado, tantôt par une dialectique implacable et animée, comme dans l’España. Ces opposans marchaient avec un singulier ensemble : ils accusaient le ministère de contribuer plus que tout autre à la décomposition du parti modéré, d’avoir fait un vrai coup d’état par là dissolution du congrès et la rectification illégale des listes électorales, laissant dans l’histoire un précédent que toutes les factions pourraient invoquer à leur tour. Le général O’Donnell devenait surtout le point de mire de ces hostilités. Ce n’était plus le sauveur de 1856, c’était le chef révolté de 1854, le factieux de Vicalvaro, à qui on rappelait toutes les contradictions de sa vie, un ambitieux arrivé au pouvoir en déguisant les intérêts d’une coterie semi-politique, semi-militaire, sous le nom d’union libérale. Après le président du conseil, M. Posada Herrera était le ministre le plus attaqué comme principal auteur de la crise qui avait amené le cabinet du 30 juin, et M. Mon lui-même n’était point épargné pour son alliance avec le général O’Donnell. Somme toute, il restait dans le parti modéré un groupe peu nombreux, mais ardent d’opposition.

Le parti progressiste était visiblement celui qui avait le plus gagné à un certain point de vue dans cette évolution de la politique espagnole. Il retrouvait une certaine importance, il rentrait dans les emplois publics, il était admis à participer aux affaires. Aussi les hommes les plus sensés du parti ou les plus pressés d’arriver s’étaient-ils hâtés de répondre aux avances du ministère, recevant les demi-satisfactions qui leur étaient données en attendant mieux, et se flattant d’exercer quelque influence sur le gouvernement en lui prêtant leur appui. Ce n’était point l’affaire des progressistes d’opinions plus exaltées, qui considéraient cette politique comme une défection et n’avaient que d’ironiques sévérités pour MM. Santa-Cruz, Modesto Lafuente, Lujan, Infante, bien d’autres encore, qui avaient accepté des fonctions publiques. Si pour les modérés le général Léopold O’Donnell était redevenu le factieux de 1854, pour les fauteurs