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ministère, après cela, fût mû par la pensée de dégager d’un corps électoral remanié un congrès mieux porté à goûter sa politique, c’est ce qui n’est point douteux. Il est bien clair que là devait être la véritable expression de l’opinion publique.

Cette rectification des listes électorales, accueillie avec joie, par les progressistes, vue avec une méfiance hostile par les modérés, résolvait évidemment d’une façon implicite la question de l’existence du congrès. Le ministère dans son langage faisait trop ouvertement le procès du passé pour que tout ne dût pas être nouveau dans une situation nouvelle. C’était même une condition de vie ou de mort. La dissolution du congrès toutefois se trouvait un peu ajournée. D’abord la reine Isabelle parcourait en ce moment les provinces des Asturies et de la Galice avec toute sa cour et quelques-uns des ministres. Elle prenait plaisir à conduire par la main le jeune prince des Asturies aux rochers de Covadonga, berceau de la monarchie espagnole. Pendant plus d’un mois, tout était aux ovations populaires, aux fêtes et aux pèlerinages. La reine d’ailleurs n’était point peut-être sans quelque perplexité. Après avoir consenti à la rectification des listes électorales, elle en était à craindre que le général O’Donnell, dans son système d’équilibre, n’inclinât trop vers les progressistes, et que des élections accomplies dans ces conditions n’achevassent la déroute du parti modéré, dont elle ne pouvait oublier la fidélité, les services et l’intelligent appui. Ce n’est que le 11 septembre que la reine, cédant aux conseils du général O’Donnell, signait à La Corogne le décret qui dissolvait le congrès, ordonnait les élections nouvelles, et fixait au 1er décembre la réunion des prochaines cortès.

Ce n’étaient là toutefois que des révélations assez peu claires encore, assez peu significatives, de la pensée que le cabinet du 30 juin portait au pouvoir. Une multitude d’employés étaient déplacés, les listes électorales subissaient un complet remaniement, le congrès était dissous ; mais d’un autre côté la loi sur la presse, une loi rigoureuse due à l’initiative de M. Nocedal, et qui avait eu à essuyer les plus ardentes et les plus justes censures, demeurait intacte. La politique du ministère commençait à se dessiner en traits un peu plus distincts dans deux actes presque simultanés, et où s’effaçait du moins le caractère tout personnel de certaines mesures adoptées depuis deux mois. L’un de ces actes était un décret qui faisait revivre la loi de 1855 sur le désamortissement civil en réservant les questions de désamortissement ecclésiastique, qui devaient être l’objet d’une négociation nouvelle avec le saint-siège. Un autre acte tout politique et d’une signification plus, générale était la circulaire adressée le 21 septembre par M. Posada Herrera aux gouverneurs des provinces pour guider leur marche dans les élections et pour