Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cause à la politique soutenue par M. Posada Herrera, appuyée par le ministre de la marine, le général Quesada, et elle appelait au pouvoir l’homme le plus propre, par son autorité comme par sa position, à personnifier cette politique, — le général don Leopoldo O’Donnell. Ainsi naissait à travers toute sorte d’intimes péripéties le cabinet du 30 juin 1858, dont le comte de Lucena devenait le chef, où entraient MM. Saturnino Calderon Collantes, Pedro Salaverria, Santiago Fernandez Negrete, le marquis de Corvera, et où M. Posada Herrera et le général Quesada restaient comme le trait d’union entre le ministère Isturiz et la combinaison nouvelle. Toutes les conditions politiques de l’Espagne se trouvaient subitement déplacées, et par un jeu bizarre des choses, O’Donnell remontait au pouvoir l’anniversaire du jour où il avait livré le combat de Vicalvaro en 1854, à la tête d’une sédition militaire.

A n’observer que l’apparente situation de l’Espagne, c’était une péripétie fort inattendue. Depuis qu’il avait quitté le ministère, trois mois après avoir dompté la révolution en 1856, le général O’Donnell semblait plutôt réduit à une attitude défensive. On l’avait vu, dans la session de 1857, obligé un jour de faire face à une agression directe et vive d’un membre du sénat, le général Eusebio Calonge, qui le mettait en cause pour avoir porté la main sur la discipline militaire, en faisant de l’armée un instrument de sédition. Ce défi, le comte de Lucena l’avait relevé avec hardiesse et avec hauteur, rappelant l’histoire de tous les partis et de tous les hommes qui s’étaient alternativement insurgés depuis vingt ans, ravivant le souvenir des extrémités où était arrivée l’Espagne en 1854, se justifiant par l’adhésion secrète ou avouée de beaucoup de modérés, et se faisant une arme de la complicité du général Narvaez lui-même dans toute cette opposition dont l’insurrection de Vicalvaro n’avait été que le couronnement. Puis il finissait en disant fièrement : « Ma reine et mon pays m’ont jugé, l’histoire me jugera. » Depuis ce moment, il s’était tu, restant toujours moins un chef de parti qu’une personnalité considérable, entouré de quelques amis dévoués, mais assez antipathique à la majorité des chambres. Cette antipathie était d’ailleurs si réelle, si peu dissimulée, qu’au commencement de la session de 1858 le général Calonge, le même qui s’était fait l’accusateur d’O’Donnell, avait été élu, par une sorte de distinction, secrétaire du sénat, et il avait suffi au ministère du général Armero de paraître incliner vers l’union libérale et les amis du comte de Lucena pour être renversé par un vote du congrès. Dans cet ensemble de faits et de symptômes extérieurs, rien donc ne semblait conduire à un ministère O’Donnell, comme à la solution naturelle des difficultés du moment. A considérer de plus près les événemens, cette évolution de la politique espagnole avait cependant pour elle