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C’est la fortune du général O’Donnell, dans une carrière politique qui n’a point été sans agitations et sans incertitudes, de trouver l’affermissement momentané de son pouvoir ministériel dans deux actes qui répondent au même instant à des intérêts ou à des sentimens d’une nature diverse, et qui ne sont pas entièrement le fruit du hasard. L’un de ces actes est la guerre du Maroc ; l’autre est le règlement obtenu du saint-siège pour toutes les questions de désamortissement ecclésiastique. Par l’arrangement avec Rome, le cabinet du général O’Donnell met fin sans violence à l’une des plus délicates et des plus épineuses complications nées des révolutions modernes de l’Espagne ; par l’expédition d’Afrique, il fait vibrer ce sentiment patriotique plus fort et plus éclatant que toutes les passions des partis ; il crée i’unanimité des opinions. Merveilleuse concorde assurément ! Est-ce à dire pourtant que par cette unanimité tous les problèmes soient résolus, que tous les élémens de la situation intérieure de la Péninsule soient subitement transformés, et que ce ministère même, qui existe depuis plus d’un an à Madrid, sous la présidence du général O’Donnell, puisse se promettre un avenir sans luttes, assis sur un ébranlement de l’opinion ? Toute la vie récente de l’Espagne est la plus claire révélation de cet ordre de problèmes intérieurs, qu’une nécessité heureuse de patriotisme peut momentanément éclipser sans en supprimer le caractère permanent et essentiel.

Tout ce qui arrive en politique depuis quelque temps au-delà des Pyrénées découle d’un fait dominant qui éclaire tous les autres, et qui n’est même plus aujourd’hui particulier à l’Espagne : c’est la dissolution des anciens partis. Depuis que le régime constitutionnel existe à Madrid, deux grandes opinions, on le sait, se sont disputé la prééminence : chacune a eu son jour ; l’une et l’autre ont péri, ou du moins ont vu diminuer notablement leur force et leur prestige. Le parti modéré, qu’on pourrait appeler le vrai créateur de la monarchie nouvelle au-delà des Pyrénées, a été puissant tant qu’il est resté animé de l’esprit par lequel il s’était élevé au pouvoir ; la décadence a commencé pour lui le jour où il a été livré à des dissensions intérieures qui laissaient sans garantie le principe même des institutions, lorsqu’il n’a plus eu strictement une politique, partagé qu’il était en fractions ennemies qui avaient cessé de s’entendre sur la direction essentielle du gouvernement. Il a succombé par l’excès des passions personnelles et des divisions, et une fatale série de déviations, de démembremens, l’a conduit un jour en face de la crise de 1854, dans laquelle il a disparu. Le parti progressiste, à son tour, a eu ses périodes de règne au-delà des Pyrénées, en 1836, en 1840, en 1855. Ses victoires, irrégulières et violentes, dues le