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exposés à la maladie que cet état engendre. C’est ce qu’on a observé chez les castes hindoues. Le champ intellectuel est comme un terrain labourable : il a besoin d’être assolé ; il s’épuiserait à la longue par une même culture, ce que produirait la continuité indéfinie des mêmes occupation.

On voit donc que tout ce qui tient à la santé publique est en voie de progrès. La propagation de l’instruction, quelque lente qu’elle paraisse d’ailleurs, est cependant constante ; la richesse intellectuelle s’augmente, et, une fois augmentée, se transmet aux générations suivantes, car l’éducation et la souplesse de l’esprit sont des bienfaits qui s’étendent d’eux-mêmes des ascendans aux descendans, non pas seulement parce qu’elles assurent dans la famille à l’enfant des soins plus assidus pour le développement de son intelligence, mais encore par suite d’une transmission physiologique toute semblable à celle de la constitution organique et des formes du corps. Les facultés acquises par les parens passent chez leurs enfans par le seul acte de la génération, et s’y manifestent spontanément. On a déjà plus d’une fois remarqué que les sauvages, transportés même dès leurs plus jeunes ans au sein de notre civilisation, se plient difficilement à ses mœurs et à ses idées, et ne montrent pas pour nos sciences autant d’aptitude que les enfans des Européens. Nos formes sociales leur pèsent comme un joug auquel ils essaient de se soustraire, et l’on a cité plusieurs exemples de jeunes Australiens élevés dans la colonie de la Nouvelle-Galles, et que l’instinct avait ramenés dans le désert. Les Anglais ont été frappés, dans les écoles de l’Hindoustan, de la différence marquée de dispositions qu’offrent les enfans des brahmanes et ceux des castes inférieures. Tandis que les premiers, issus de familles où l’intelligence est cultivée depuis un temps immémorial, apprennent avec facilité, les seconds profitent à peine de l’enseignement des Européens.

Des faits analogues ont été remarqués pour les animaux domestiques. Dès la naissance, ils se distinguent des animaux de leur espèce demeurés sauvages ; ils présentent sous forme d’instincts les aptitudes qu’une éducation attentive avait inculquées à leurs ascendans. Leur docilité est ainsi le fait d’une transmission héréditaire. On ne dresse qu’à grand’peine les chevaux nés dans des haras libres, et même après avoir été assouplis, ils conservent un levain persistant d’indocilité. Ce n’est pas seulement l’éducation donnée par l’homme qui perfectionne l’intelligence de certaines races animales ; les facultés que la bête acquiert par le genre de vie qu’elle mène se transmettent héréditairement aux petits qu’elle engendre. Un fin observateur des animaux, George Leroy, a noté que, dans les