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certain point ; le désordre ne peut jamais passer certaines bornes, qui paraissent avoir été fixées par la nature elle-même ; il semble porter toujours en soi les principes du retour vers l’ordre ou de la reproduction des phénomènes conservateurs. »

Les causes de dégénérescence non-seulement disparaissent par les progrès de la science et de la raison, mais elles émoussent sur nous leurs effets par l’habitude ; elles n’agissent pas constamment avec le même degré d’intensité. Les efforts que fait la nature pour adapter la constitution des individus au climat dans lequel ils sont destinés à vivre amènent chez eux une aptitude spéciale désignée sous le nom d’acclimatation. Or l’acclimatation s’observe aussi, remarque le docteur Morel, chez les individus soumis à tel ou tel genre de vie en soi-même insalubre, voués par état à telle ou telle industrie. On a constaté que l’hygiène des uns ne peut être suivie impunément par les autres, et que les ouvriers adaptés organiquement par un effet de l’habitude à une industrie ne sauraient se livrer sans danger à une autre industrie, quand même celle-ci serait moins nuisible à la race en général.

Les variations continuelles de milieux, d’occupations et d’idées que produit notre état social, si complexe dans ses rouages, si mobile dans ses mouvemens, sont un puissant antidote contre les dangers de ces actions constantes et répétées qui font dévier notre espèce du type parfait de beauté et de santé pour lequel elle a été créée. L’établissement des chemins de fer, la facilité des communications permettent de fréquens changemens de lieux qui exercent sur notre économie la plus salutaire influence. Les climats engendrent par leurs effets excessifs des maladies qui ne trouvent leurs remèdes que sous des climats contraires. À mesure que nos cités deviennent des agglomérations plus populeuses et des foyers plus puissans d’infection et de démoralisation, on sent davantage la nécessité de les assainir, et le goût des champs se développe davantage chez ceux qui habitent les villes ; une foule de gens vont chercher pendant quelques mois à la campagne un air plus pur et une vie plus calme.

Jadis bien des professions étaient héréditaires dans les familles ; aujourd’hui la mobilité des positions sociales fait sans cesse embrasser aux enfans des occupations différentes de celles de leurs pères. C’est là un heureux changement, car il produit une sorte de croisement intellectuel qui empêche la prépondérance exagérée de certaines facultés. Chaque profession exerce une influence propre sur l’économie ; elle tend à fatiguer tel ou tel organe, elle réagit sur telle ou telle de nos fonctions : d’où il suit que les individus qui exercent, de père en fils le même métier, le même état, sont de plus en plus