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faites appel en eux au sentiment de la responsabilité, et vous ne paralysez pas leur indépendance. Autrefois, quand les souverains voyageaient, ils faisaient jeter de l’argent au peuple par leurs hérauts. C’était peut-être un beau spectacle ; mais, c’est un beau spectacle aussi, au temps où nous vivons, qu’une souveraine mise en mesure, par la sagesse de son grand-conseil assemblé en parlement, de distribuer ses largesses au peuple sous la forme de sages et prudentes lois, qui, sans ébranler les fondemens du devoir, brisent les entraves qui enchaînaient l’industrie, donnent au travail de nouveaux stimulans et de nouvelles récompenses, et qui conquièrent chaque année au trône et aux institutions du pays la gratitude, la confiance et l’amour d’un peuple uni. Qu’il me soit permis de dire à ceux qui se préoccupent justement de nos défenses nationales que ce qui nourrit la flamme du patriotisme au cœur des hommes, ce qui les unit, ce qui accroît leur confiance dans leurs chefs, ce qui leur apporte la conviction qu’ils sont traités justement, et que nous, leurs représentans, nous travaillons sans cesse à leur bien, n’est point une petite, une faible, une passagère portion de la défense nationale. Nous recommandons ce plan à votre impartial et pénétrant examen. Nous ne faisons appel ni à votre généreuse confiance, ni à votre compassion. Nous ne demandons qu’une enquête et une discussion impartiales ; nous savons que vous traiterez ce plan avec justice, et nous espérons qu’il obtiendra l’approbation du parlement et celle du peuple de cet empire. »

Pourquoi faut-il que ces nobles plans, ces glorieux labeurs, ces accens éloquens du gouvernement parlementaire, qui font tant d’honneur à l’humanité, soient troublés par de secrètes dissonances, et que le ricanement de la défiance vienne à tout moment glacer cet enthousiasme ? Avec la politique des réformes commerciales, avec la politique du travail et de la paix, tout devient clair et facile ; la sécurité rentre dans les esprits, on ne songe qu’à ce qui élève les peuples dans les voies du bien-être, de la liberté et de la dignité morale. Que les mystères, les convoitises, les jalousies, les chicanes de la politique extérieure se mettent de la partie, et tout au contraire se déconcerte et s’effare. On a pu, dans la même semaine, juger de ce contraste en Angleterre, en comparant la séance de la chambre des lords où il a été question des affaires de Savoie à la séance de la chambre des communes où M. Gladstone a présenté son plan financier. L’on en pourra peut-être juger encore par l’influence que les préoccupations de la politique extérieure exerceront sur la discussion du budget. Nous avons, quant à nous, exprimé notre opinion sur cette affaire de Savoie, et notre intention n’est point d’y revenir longuement. De toute façon, nous regardons la question comme malencontreusement et maladroitement engagée. Nous nous sentons assez bons Français pour ne point être indifférens à un agrandissement du territoire national, si cet agrandissement pouvait être obtenu par des moyens honorables et sans exciter contre nous d’irritation et de défiance. Nous sommes en même temps trop bons Français, nous avons une trop haute idée de la puissance actuelle et effective de notre pays pour croire que cette puissance ait besoin d’être accrue ou protégée par une acquisition quelconque de territoire. Nous craindrions au contraire de voir s’affaiblir le prestige moral de la France, si elle se montrait capable de sacrifier