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paraît n’avoir assigné qu’une durée limitée, et qui disparaissent peu à peu devant les progrès de la civilisation. De même que c’est par le croisement des races qu’on peut arracher les descendans de ces tribus dégénérées à la destruction qui les menace, c’est par les unions physiquement bien assorties, par le balancement des tempéramens contraires, qu’on peut relever les générations de la déchéance à laquelle les expose l’héritage de leurs pères.


III

Les causes de dégénérescence une fois assignées et définies, leur origine reconnue, se pose naturellement une question : tendent-elles à s’accroître ou à diminuer, et la civilisation a-t-elle pour effet d’affaiblir l’organisme, de favoriser l’abâtardissement ? Pour répondre à cette demande, il faut reprendre chacune des causes que nous avons déjà énoncées et rechercher si elles sont en voie d’extension ou de décroissance.

D’abord, pour ne parler que des lieux et du régime, il est évident que les causes de dégénérescence tendent à diminuer. Les marais sont desséchés, les terres mises en culture, les habitations aérées, l’insalubrité des alimens corrigée, les vêtemens mieux conditionnés et les lois de l’hygiène plus généralement observées. Aussi la pellagre, le crétinisme, comme les fièvres endémiques, perdent-ils tous les jours du terrain et ont-ils en certains cantons presque complètement disparu.

Tandis que les moyens préventifs sont mis en usage, la science et la charité ont élevé des asiles consacrés au traitement des malheureux atteints d’un mal que l’on n’a pu encore réussir à extirper. Les idiots ont été l’objet d’une sollicitude toute particulière, et sans leur rendre l’intelligence, on est parvenu cependant à tirer de leurs facultés imparfaites un parti qui permet de les rendre à la société. Les moins stupides ont pu recevoir une sorte d’éducation[1]. M. Niepce, dans un ouvrage sur le crétinisme, cite plusieurs exemples d’invasion de ce mal arrêté à son début. On a fondé en vue de son traitement des établissemens spéciaux. Un médecin distingué, M. Guggenbuhl, dirige avec succès à l’Abendberg, en Suisse, un de ces hospices. Le concours de moyens physiques et moraux employés avec intelligence a relevé quelques-uns de ces infortunes d’une dégradation qui semblait incurable. Les causes physiques et les causes mixtes, si elles ne sauraient être complètement effacées, trouvent donc dans les progrès de la raison et de la science un remède de plus en plus efficace. Cependant le progrès est loin de se

  1. Voyez l’étude de M. Alphonse Esquiros dans la Revue du 15 avril 1847.