ces principes et la force de développement qu’ils contiennent qui nous tracent nos devoirs dans les circonstances actuelles.
Le premier de ces devoirs, soyons-en bien convaincus, est d’achever de nous dépouiller des petitesses et des tics de l’esprit de parti, qui seraient pour nous un affaiblissement sans compensation. Ne nous laissons pas aller à l’insouciance par mauvaise humeur, au dédain par paresse, à l’air de dégagement et d’ironie par découragement. Laissons-nous pénétrer de ce noble cri du patriotisme désintéressé que poussait naguère ici M. de Rémusat : « Par quelque barrière infranchissable qu’on soit séparé de la politique officielle, on ne peut se tenir pour étranger à ce qu’elle décide et à ce qu’elle entreprend… On n’émigre pas plus de sa pensée que de sa personne, parce qu’on est à jamais hors de la vie publique. » N’oublions pas que le monde marche, et qu’il s’y fait sans nous des choses grandes et bonnes, qu’il faut le prendre où il est, dans l’ordre des faits et des intérêts, si nous voulons le ramener où nous sommes, dans l’ordre des idées. Le second devoir est de maintenir la fixité de nos principes ; le troisième, de les professer et de les appliquer dans toute la largeur qu’ils comportent ; le quatrième, de nous tenir à l’unisson du mouvement libéral qui s’accomplit en Europe. N’étant point des prétendans au pouvoir, pourquoi nous imposerions-nous gratuitement ces compromis accidentels que la pratique des choses prescrit, dit-on, aux gouvernemens ? Qu’aurions-nous gagné par exemple cette année à subordonner nos principes, qui nous commandent de respecter en Italie les vœux d’un peuple qui veut s’émanciper du joug étranger et se constituer librement, à une tactique d’opposition systématique ? Nous aurions été amenés à changer trois ou quatre fois d’opinion, sans avoir l’excuse qui couvre au moins les variations de la politique d’un gouvernement, obligé de modifier ses desseins par des combinaisons d’intérêts imprévus et par la force des événemens. Il faut aussi pratiquer nos principes dans toute leur étendue et les préférer hardiment aux routines surannées qui se présentent à nous comme des traditions de la politique soi-disant grande du passé. Les affaires d’Italie nous fournissent encore sur ce point une leçon instructive. L’Italie centrale veut s’annexer au Piémont, pour former avec cet état un grand royaume italien. Peut-être a-t-on encore le droit de contester la fermeté et la sincérité de cette résolution de l’Italie centrale ; mais le jour où cette question de fait serait tranchée par une manifestation décisive des peuples italiens, il ne serait pas permis à un Français libéral de s’inscrire contre le vœu légitime d’un peuple au nom de cette politique de nos anciens rois qui interdisait la formation d’un royaume puissant sur nos frontières. Là où la voix des principes est claire et impérieuse, de prétendus intérêts doivent céder. Nos principes proclament le droit des peuples à choisir et à constituer leur gouvernement : il y aurait une immoralité révoltante a vouloir les sacrifier en Italie à un soi-disant intérêt français.
En agissant ainsi, nous commettrions au-delà des Alpes une injustice analogue à celle que nous reprochons à quelques hommes d’état anglais à propos du percement de l’isthme de Suez. Ces hommes d’état prétendent en effet qu’un intérêt anglais, à coup sûr malentendu, doit l’emporter, dans l’affaire de Suez, sur l’intérêt des autres peuples, tel que ceux-ci le comprennent, et sur un vœu de la civilisation générale. Les