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huiles, écorces à tanner, bois d’ébénisterie et de marine, plantes textiles, tinctoriales et médicinales. Il peut vendre des blés, qu’une absurde prohibition laissait naguère enfouis dans les silos, pendant que l’Europe inquiète les achetait au bout du monde et à tout prix, et entre autres objets de consommation les fruits frais, les légumes secs, les graines de toute sorte, les animaux vivans, les sangsues. Du fond des déserts, les caravanes apporteront des gommes, des plumes d’autruche, de l’ivoire, de la poudre d’or. Les montagnes livreront d’inépuisables filons de minerais de toute sorte, surtout de fer, de cuivre et de plomb argentifère. L’industrie même, soit des tentes, soit des villes, offrira des tissus de laine et de soie, des cuirs préparés avec art, des métaux travaillés avec un goût original qui s’accommodera parfaitement à notre élégance. À son tour, une population de six millions d’habitans, industriels et consommateurs, ouvrira un débouché à tous les produits fabriqués de l’Europe et de l’Amérique, et aux denrées coloniales de toute provenance, débouché qui deviendra pour ainsi dire illimité quand on pénétrera par le Maroc dans l’intérieur de l’Afrique. Aujourd’hui l’Angleterre prélève les quatre cinquièmes de ce commerce ; la seconde part revient à la France ; le reste se partage entre trois ou quatre puissances seulement, l’Espagne, la Sardaigne, les États-Unis. Le Portugal et la Hollande, qui autrefois trafiquaient directement avec le Maroc, ont été absorbés par Gibraltar. En retour, la Belgique par son industrieuse activité a conquis une place dans ce mouvement de transactions qui peut prendre facilement des proportions plus considérables et laisser le champ libre à tous les peuples et à tous les commerces.

Entre toutes ses rivales, la France profiterait d’un système libéral de relations. Mise dernièrement par la prohibition dans l’impossibilité d’exporter du Maroc les laines dont les fabriques du midi tirent un grand parti, elle a adressé des protestations qui n’ont été accueillies que depuis quelques semaines, après des dommages irréparables. Une prohibition pareille contre l’exportation des cuirs et des peaux a subsisté jusqu’à présent. Nous avons droit au traitement de la nation la plus favorisée, mais il paraît que nous n’en usons pas. Contrarié par une suite de mesures vexatoires, notre lot commercial (importations et exportations comprises) roule sur le modeste chiffre de trois ou quatre millions de francs, et encore les navires, au nombre d’une centaine, qui fréquentent la côte occidentale du Maroc arrivent-ils en général sur lest, et font-ils en numéraire leurs achats, tandis que les Anglais, mieux avisés, favorisés d’ailleurs par une fabrication moins chère, échangent produits contre produits : double gain.

La possession de l’Algérie et du Sénégal donne au Maroc, situé entre les deux colonies, une valeur exceptionnelle pour la France. De