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empreints d’une dignité qu’ils n’ont pas toujours eue. Les chaussures à ôter, les présens à offrir, l’intermédiaire obligé d’un interprète juif qui traduit le dialogue à genoux ou à plat ventre, tous ces symboles d’humiliation, qui ont existé, qui existent peut-être encore en partie, sont un démenti trop manifeste à l’égalité qui doit régner entre les états. On y mettrait fin au plus tôt, si l’on confiait les fonctions consulaires à des agens familiarisés avec la langue et les mœurs des indigènes, et sachant par quelle vigueur d’attitude on en obtient respect et justice. Ainsi fait l’Angleterre, qui a rendu en quelque sorte héréditaires dans la famille Drummond Hay les titres de chargé d’affaires et de consul-général : aussi recueille-t-elle les fruits d’une expérience consommée. La France n’a pas suivi cet exemple ; elle a même, en 1842, toléré que le sultan refusât son exequatur à M. Pellissier, nommé consul à Mogador ; plus tard elle a consenti à l’éloignement de M. Léon Roches, membre du consulat de Tanger, sans autre motif réel que la connaissance trop approfondie de la langue arabe et des secrets de l’administration qui distinguait ces deux fonctionnaires.

La position des agens consulaires dans les villes de second ordre appelle aussi quelques réformes. Ceux d’entre eux qui appartiennent au culte israélite sont cantonnés dans le mollah, qui est le ghetto des Juifs, et qui existe partout ailleurs qu’à Tanger : les drapeaux chrétiens se trouvent ainsi arborés dans un quartier voué à l’opprobre si on les étale au grand jour, ou honteusement cachés si les titulaires jugent à propos, par scrupule ou par prudence, de ne pas les montrer. Le traité anglais autorise tout consul britannique à résider où bon lui semble, et par conséquent à franchir l’enceinte du mépris : c’est un précédent à suivre. La plupart des agens consulaires sont en outre négocians, et à ce titre débiteurs de droits de douane. L’usage s’est introduit que l’empereur leur accorde, pour l’acquittement de ces droits, des crédits presque illimités, qui les mettent sous sa dépendance et contiennent leur zèle en faveur des intérêts et des personnes qu’ils devraient protéger. Autre abus à réformer !

Les droits personnels des nationaux étrangers sont à régler. À cet égard, le traité anglais laisse peu à désirer. Il stipule au profit des sujets britanniques la faculté de voyager, de résider où il leur plaît, de louer des maisons et des magasins, d’acheter des marchandises, de régler tous leurs marchés avec tels agens qui leur conviennent. Il les soustrait à toute contribution forcée, à toute saisie et confiscation, à toute amende arbitraire. Il protège en un mot pleinement leur fortune et leur personne, fussent-ils chrétiens, juifs ou mahométans. Sous l’égide de telles libertés, les Anglais peuvent visiter tous les états du sultan ; mais le droit d’acquérir des immeubles