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gouvernement de la Régence, turc et étranger d’origine, était odieux aux Kabyles et aux Arabes, qui l’ont laissé tomber ; celui du Maroc, né des entrailles de la nation, a été élevé et il est soutenu, malgré des révoltes isolées contre quelques princes, par la foi populaire. Les Français rencontrèrent, il est vrai, en face d’eux un homme de génie qui organisa la résistance ; mais les races du Gharb ne pourraient-elles aussi enfanter, à l’appel de la guerre sainte, un nouvel Abd-el-Kader ? De tous les pays de l’islam, le Maroc est le plus fertile en marabouts et en saints, et les grands hommes ne sont pas rares dans son histoire. N’insistons pas néanmoins sur les obstacles que rencontrerait, selon toute apparence, l’Espagne au Maroc, ni sur ceux que pourrait lui créer l’état de ses finances si elle entreprenait en Afrique une guerre de conquête. L’Espagne n’a d’autre souci, nous le croyons, que d’infliger au Maroc un juste châtiment. Une fois ce but atteint, la diplomatie, reprenant son œuvre interrompue, proposerait à son tour des arrangemens qui répondraient à une situation nouvelle de l’empire marocain vis-à-vis de l’Europe.


III. - RELATIONS NOUVELLES DE L'EUROPE AVEC LE MAROC. - LES CONDITIONS DE LA PAIX.

On a vu que la convenance de nouveaux accords avec la France a été reconnue en 1844. La convention commerciale avec l’Angleterre doit être révisée en 1861. Toutes les autres puissances ont intérêt à améliorer leurs anciens traités. Dans de telles conjonctures, l’avènement d’un nouveau souverain est une occasion favorable, car les princes musulmans attachent plus d’importance aux engagemens qu’ils contractent qu’à ceux dont ils héritent, et l’usage s’est établi de renouveler avec chacun d’eux les conventions signées avec leurs prédécesseurs. Le traité anglais du 9 décembre 1856 et la convention commerciale du même jour fournissent les bases essentielles des arrangemens à conclure. Il suffit d’en préciser ou d’en étendre quelques clauses.

En première ligne se présente le règlement des rapports consulaires. Depuis longtemps déjà, les consuls européens n’ont été admis à résider que sur la côte, à Salé, Tétuan, Tanger ; mais le roi de France Henri III avait, sur l’invitation même du chérif régnant en 1577, nommé un consul et institué une agence consulaire à Fez. Les cités commerciales de France et d’Italie y ont entretenu des représentans à diverses époques ; c’est ce passé qui doit revivre. Aujourd’hui le sultan marocain traite avec l’Europe par l’organe d’un secrétaire attaché à sa personne, qui communique les ordres du maître au commissaire des affaires étrangères résidant tantôt à Tanger, tantôt à Tétuan. Ce dernier seul est en rapport avec les consuls. On devine les lenteurs, les complications, les malentendus qui en