devait s’y attendre, la discipline l’a emporté sur le nombre et la fougue. La ligne de fortification nouvelle aussitôt commencée est très avancée. À s’en tenir à la rectification des limites territoriales sur ce point, l’entreprise serait trop modeste pour l’immense déploiement de forces dont on a donné le spectacle, pour l’ambition de l’Espagne comme pour les vœux de l’Europe. On n’atteindrait pas le sultan, qui, à cet égard, avait donné plein pouvoir de transaction à son commissaire et a droit d’alléguer un malentendu. Il ne peut être frappé que dans ses villes maritimes ou au cœur de l’empire ; aussi le blocus des ports de Tétuan, Tanger et Larache a-t-il suivi immédiatement la déclaration de guerre. Le blocus ne fera pas capituler un ennemi pourvu de vivres abondans fournis par le pays, d’armes et de munitions achetées de longue main à Gibraltar et en Angleterre, et qui peuvent se renouveler par les ports du sud ; bientôt des attaques directes seront nécessaires.
Quatre villes sont désignées aux premiers coups : Tétuan, Tanger, Rabat-Salé, Mogador. Tétuan, situé à 6 kilomètres de la Méditerranée, avec laquelle il communique par la rivière de Martyn, est abordable par terre pour l’armée qui occupe Ceuta, distant de neuf lieues seulement : c’est là une facilité particulière à l’Espagne. Sur la plage, un débarquement a été involontairement préparé par la canonnade française qui, pour punir une insolence faite au pavillon du Saint-Louis, a récemment démoli les ouvrages d’art qui défendaient le port. Aux mains de l’ennemi vainqueur, la ville de Tétuan, peuplée de 30 ou 40,000 âmes, importante par son commerce, par sa fabrique de fusils, serait une base pour agir sur le Rif, en combinant des marches par terre avec les opérations maritimes.
Là commencent les difficultés sérieuses, car, pour exterminer la piraterie, il faut atteindre les pirates non-seulement dans leurs barques, mais dans leurs jardins, leurs vergers, leurs champs, leurs richesses mobilières et immobilières. Au fond de ces gorges sauvages qui ravinent le pays en tous sens, sur les abrupts escarpemens qui en commandent les défilés, derrière les rochers et les bois qui masquent les embuscades, commencera une lutte d’homme à homme, où les Kabyles retrouveront, au moins par la connaissance du pays, l’avantage sur les soldats européens. L’œuvre de l’Espagne eût été singulièrement facilitée par la marche d’une colonne alliée qui serait venue de la frontière algérienne par la plaine : les Riffains, pris de revers et placés entre deux feux, auraient été réduits à se rendre à merci, sous peine d’être exterminés un à un dans leurs retraites ou jetés à la mer. Cette nouvelle guerre de Kabylie devra, comme la notre en Algérie, se conclure par la construction de forts occupés en permanence, sous peine de n’ouvrir, comme le navire qui fend l’onde, qu’un sillon qui se referme, sur lui-même. Si l’on ne se croit