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suivant leur sentiment propre des données et des types variés à l’infini déjà par les maîtres de tous les temps et de tous les pays, parce qu’enfin, si nous avons cessé d’être crédules, il ne suit pas de là que nous ne puissions plus être croyans. Nous le sommes, au moins en face des œuvres qui nous parlent saintement des choses saintes, puisque ces œuvres réussissent encore à nous toucher. « Pour s’émouvoir à de certaines idées, il faut, dit M. Cousin, les avoir eues en un degré quelconque. » Et, plus loin : « Le christianisme est inépuisable ; il a des ressources infinies, des souplesses admirables ; il y a mille manières d’y arriver et d’y revenir… Ce qu’il perd d’un côté, il le regagne de l’autre. Et comme c’est lui qui a produit notre civilisation, il est appelé à la suivre dans toutes ses vicissitudes… Artistes du XIXe siècle, ne désespérez pas de Dieu et de vous-mêmes. Une philosophie superficielle vous a jetés loin du christianisme considéré d’une façon étroite ; une autre philosophie peut vous en rapprocher en vous le faisant envisager d’un autre œil[1]. »

Qu’oserions-nous ajouter à ces nobles paroles ? Abriter nos propres opinions sous une autorité si haute, c’est en même temps nous interdire tout développement, tout commentaire désormais superflu. Qu’il nous suffise d’appeler en témoignage les belles peintures de M. Flandrin et de les proposer comme le résumé des conditions actuellement faites à l’art religieux, comme un exemple des progrès qu’il lui a été donné déjà d’accomplir, et, — puisse l’avenir ne pas démentir cette espérance ! — comme une promesse du retour prochain de notre école à des croyances plus vastes que la dévotion au fait, à des efforts plus méritoires que la recherche d’une grâce futile ou l’ostentation de la dextérité.


HENRI DELABORDE.

  1. Du Vrai, du Beau et du Bien, 10e leçon.