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que la prédominance du moyen matériel sur l’expression morale peut être signalée ailleurs que dans la peinture des scènes profanes. Ce que nous avons à cœur de constater seulement, ce sont les faits les plus propres à honorer le présent et à légitimer nos espérances. Or ces faits dont nous nous laissons trop facilement distraire par les petits événemens de l’art et la petite habileté pittoresque, ces protestations en bons termes, sinon en termes hautement éloquens, contre les tours d’adresse et les artifices de la brosse, — en un mot les entreprises sérieusement conçues et exécutées sont assez nombreuses dans nos édifices religieux pour rassurer les esprits qu’inquiètent ailleurs l’affaiblissement des principes et l’importance attribuée à des mérites tout au plus secondaires. Sans parler de quelques travaux remarquables, même à côté des travaux de M. Flandrin, que les années dernières ont vus se produire à Paris, les vastes fresques de M. Amaury Duval dans l’église de Saint-Germain-en-Laye, — les compositions non moins importantes dont M. Bézard a orné la cathédrale d’Agen, — d’autres décorations monumentales encore attestent que, dans cet ordre d’art du moins, les tentatives loyales, les louables efforts tendent à se multiplier en France. Puisse le champ de ces efforts s’élargir de plus en plus, et la peinture religieuse faire bonne et sévère justice de la peinture de tabagie ou de boudoir ! Le salut de notre école nous semble dépendre aujourd’hui des progrès qui se continueront en ce sens. Suit-il de là que les peintres contemporains ne doivent traiter désormais que des sujets sacrés et répudier jusqu’aux souvenirs les plus légitimes, jusqu’aux coutumes les plus invétérées de l’art français ?… Nous sommes trop fiers des chefs-d’œuvre que nous a légués le passé pour faire aussi bon marché des traditions qui obligent les descendans de Poussin et de tant d’autres savans peintres d’histoire. Il n’en est pas moins vrai que la peinture d’histoire ne se relèvera de sa déchéance actuelle que si la régénération de la peinture religieuse et monumentale se confirme et s’achève.

Que manque-t-il en effet à la plupart des tableaux historiques que nous voyons se succéder au salon ? L’ampleur et l’élévation dans les intentions morales aussi bien que dans les formes du style. L’exemple des talens qu’aura fortifiés l’atmosphère salubre du spiritualisme chrétien viendra rappeler aux peintres et au public les lois fondamentales d’un art pour lequel l’imitation de la réalité ne doit jamais être que le moyen, l’expression palpable des vérités immatérielles. Par le temps trop peu idéaliste qui court, alors que, dans le domaine de l’esthétique comme ailleurs, l’esprit de matérialisme fait plus d’un coupable ou d’une dupe, la leçon ne saurait de si tôt devenir superflue. Elle ne sera pas non plus inutile au point de vue du goût et