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remarque encore, en obéissant à cette vocation il suivait l’exemple d’un frère aîné[1], de même qu’il précédait de bien peu dans la carrière un autre frère, M. Paul Flandrin, à qui il était réservé de montrer dans la peinture de paysage des qualités analogues à celles qu’il allait déployer lui« -même dans la peinture d’histoire. Ce fut à Lyon, où il était né en 1809, que M. Hippolyte Flandrin fit son premier apprentissage, en attendant le moment d’entreprendre à Paris des études plus sérieuses, et, si l’on veut, ses humanités. Il ne nous appartient pas de scruter les secrets de cette période cachée de la vie du peintre, de rechercher quelles épreuves furent imposées à ce jeune courage, quelles luttes trop souvent inséparables des premières ambitions du talent, quelles amertumes peut-être payèrent ici la rançon de l’avenir et inquiétèrent au début une existence calme et bien favorisée depuis lors. Qu’il nous suffise de dire que, soit nécessité, soit défiance de ses propres forces, celui qui devait être bientôt un peintre religieux éminent se condamna d’abord à dessiner sur pierre, pour le commerce de sa ville natale, d’humbles vignettes, de petites scènes appartenant le plus habituellement au genre où excellaient alors Charlet et M. Horace Vernet. Sans doute, dans les lithographies où M. Flandrin représentait tant bien que mal tantôt un chasseur à cheval effrayé par l’éclat d’un obus, tantôt l’intérieur d’un bureau de souscription, il est assez difficile de deviner le sentiment si élevé, la manière si pure qu’il révélera plus tard en traitant de tout autres sujets. On s’intéresse toutefois à ces modestes essais, non-seulement parce qu’ils nous renseignent à titre de documens biographiques, mais aussi parce qu’ils laissent entrevoir sous les incorrections ou les gaucherie de l’exécution une certaine naïveté intelligente, quelque chose de cette inspiration candide qui, s’alliant plus tard à la science ; s’enhardira en quelque sorte et s’autorisera de celle-ci pour se manifester d’autant mieux et mériter pleinement nos sympathies.

C’est le Saint Clair guérissant les aveugles, exposé en 1837, qui marque à la fois, on vient de le voir, l’époque des débuts de M. Flandrin dans la peinture religieuse et le moment où la réputation du peintre, déjà préparée par quelques succès, s’étend et se confirme. Un autre tableau, aujourd’hui à Lisieux, — Jésus-Christ et les petits enfans, — vint peu après ajouter un titre nouveau et plus sérieux encore à ceux que M. Flandrin avait su acquérir pendant les années de son séjour à Rome. Le Saint Clair témoignait d’une rare délicatesse de sentiment et de style ; mais une sorte d’exiguïté dans l’ordonnance,

  1. M. Auguste Flandrin, mort en 1844, après avoir produit quelques tableaux composés avec goût, entre autres Savonarole prêchant dans l’église San-Miniato, à Florence, qui figura au salon de 1840.