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accomplis par ces maîtres français dont Dante lui-même avait, dès le début, proclamé l’excellence dans la pratique de « l’enluminure. » Des compositions comme celles qui décorent les manuscrits conservés dans nos collections publiques, des peintres comme Jean Fouquet, suffiraient pour honorer l’art national durant la période antérieure au mouvement de la renaissance, et pour prouver, contrairement à l’opinion reçue, que notre école était depuis longtemps constituée lorsque les artistes italiens appelés par François Ier vinrent s’installer à Fontainebleau. Toutefois, s’il n’y a que justice à louer chez nos anciens miniaturistes un goût sobre jusque dans la fantaisie, une singulière intelligence du vrai, il ne serait ni aussi opportun ni aussi juste d’attribuer à leurs talens une portée religieuse fort grande. Rien de plus agréable sans doute que ces ingénieux ouvrages, rien de mieux fait pour intéresser le regard et l’esprit : suit-il de là qu’ils doivent nous toucher plus à fond, et sans invoquer les grands exemples, sans mesurer la distance qui sépare des trecentisti florentins et de leurs disciples les miniaturistes français du moyen âge, ne peut-on dire que ceux-ci n’ont su ou voulu donner aux sujets sacrés qu’un charme de surface et des dehors strictement expressifs dans le sens de la réalité ?

Vers la fin du XVe siècle et au commencement du XVIe, des entreprises plus hardies viennent, sinon activer les progrès de l’art religieux en France, au moins en élargir le champ, et, dans une certaine mesure, en modifier les formes. Les murs des églises, sur lesquels on s’était contenté jusqu’alors de tracer des ornemens, ou tout au plus d’aligner quelques figures, se couvrent de peintures à fresque ou de tableaux représentant des scènes compliquées. Le nombre et l’ordonnance des groupes, la variété des attitudes témoignent, chez les auteurs des œuvres nouvelles, d’une véritable science de la composition. Déjà même le talent spécial des artistes français pour la peinture de paysage s’annonce dans plusieurs de ces productions, et les précieux morceaux que possède la cathédrale d’Amiens sont à cet égard une promesse remarquable des perfectionnemens qui vont suivre. Puis, à l’exemple des autres pays de l’Europe, la France voit se multiplier dans les églises, et jusque dans les palais, ces pieuses allégories sur la mort, ces dames macabres, dont quelques monumens nous permettent d’apprécier les intentions religieuses et le style. Une de ces peintures, aujourd’hui détruite, mais que le pinceau d’un copiste contemporain nous a transmise dans une suite de gouaches conservées à la Bibliothèque impériale, ornait, au temps de Louis XII, la cour du château de Blois ; une autre, non moins importante, se développe sur les murs de l’église abbatiale de la Chaise-Dieu en Auvergne, et peut être