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Le commandant Silva avait fatigué ses troupes par une marche rapide pour prévenir l’ennemi, qui n’était déjà plus qu’à trois lieues de La Serena, chef-lieu de la province de Coquimbo. Les deux armées se trouvèrent en présence le lu mars dans le défilé de Los-Loros, et, après une fusillade qui dura près de trois heures, M. Léon Gallo resta le maître du champ de bataille.

Les troupes du gouvernement, obligées de battre en retraite, laissaient à découvert la ville de La Serena. Le mouvement du nord, il est bon de le remarquer ici, avait été fomenté et dirigé par des jeunes gens de condition distinguée, comme celui qu’ils reconnaissaient pour leur chef militaire, mais qui, malgré les influences de tradition et d’entourage, n’étaient engagés par aucun lien avec la faction ultra-conservatrice. Leur tentative avait donc pris, dès le début, une teinte révolutionnaire : leur programme impliquait vaguement une refonte de la constitution. Une fois maîtres de La Serena, leur dissidence avec les pelucones prit un caractère beaucoup plus tranché ; on alla jusqu’à insérer dans les journaux officiels de l’insurrection des diatribes assez blessantes contre le luxe et l’oisiveté du clergé. Les pelucones étaient désorientés ; ils ne sympathisaient que médiocrement avec l’armée victorieuse à Los Loros, qui avait été recrutée en grande partie parmi les ouvriers des mines, au sein même de l’élément démagogique. Aussi, en réservant toutes leurs ressources pour les provinces du sud, où ils comptaient trouver des auxiliaires à leur convenance, ils évitèrent de mettre leur argent à la disposition du chef d’Atacama. On a lieu de croire que celui-ci a contribué largement aux frais de la guerre, et, tout en déplorant le dangereux accès de fièvre politique auquel il a succombé, on doit reconnaître qu’il s’est montré dévoué à son idée et prodigue de ses richesses autant qu’il était disposé à l’être de son sang.

Le gouvernement préparait de son côté contre les insurgés du nord une forte expédition, aux ordres du général Vidaurre-Leal. Les défenseurs de la constitution et les prétendus constituans se rencontrèrent dans la plaine de Peñuelos, le 29 avril, au nombre de trois mille combattans de chaque côté. Les Chiliens sont naturellement braves, et leur tempérament s’enflamme aisément. Une fois lancés, ils s’abordent résolument, et la bataille donne lieu à une multitude d’engagemens corps à corps. Le choc fut donc très sanglant à Peñuelos. Après quatre heures de combat, le général Vidaurre, grâce à l’habileté de sa manœuvre ainsi qu’à la vigueur des troupes qu’il commandait, fit subir à ses adversaires une défaite complète. L’armée insurrectionnelle se débanda après avoir vu une vingtaine de ses chefs tombés au pouvoir des vainqueurs. Dès ce moment la pacification du nord fut assurée.