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Quand une situation financière est bonne, peu de mots suffisent pour l’expliquer. Avant 1850, les dépenses comme les recettes publiques ne dépassaient pas de beaucoup 20 millions de francs. En 1856, où l’on a atteint le maximum des recettes, l’actif s’est élevé à 32,554,933 francs, et a laissé sur le passif un excédant de plus de 5 millions. Les trois exercices suivans ont présenté des résultats moins favorables. Les exportations de blé et de farine pour la Californie et l’Australie ont diminué considérablement, parce que les chercheurs d’or ont commencé à cultiver les terres. Les mineurs chiliens ont rencontré des veines moins heureuses. La crise financière qui a causé tant de désastres en Europe a réagi sur le Nouveau-Monde. La gêne occasionnée par ces divers accidens aigrissant les esprits a été pour beaucoup dans les convulsions politiques, et comme le mal engendre le mal, la guerre civile, qui a diminué les recettes, a multiplié les dépenses. Les trois derniers budgets, y compris celui de cette année dont les résultats ne sont pas encore connus, se soldent donc en déficit. J’ajouterai que toutes les branches du commerce et de l’industrie ont subi plus ou moins ces influences funestes, et que pour se faire une idée exacte de la situation actuelle, il faudrait rabattre, de 10 à 15 pour 100 en moyenne sur les résultats économiques que j’ai constatés pour l’année 1857 ; mais la crise touche à son terme, et tout porte à croire qu’on reviendra bientôt à cette calme et solide progression qui est l’état normal des sociétés bien constituées.

Le déficit actuel disparaît d’ailleurs, si je compare en bloc les budgets des treize dernières années. De 1846 à 1858 inclusivement, les recettes ont donné en nombres ronds 330 millions de francs contre des dépenses montant seulement à 322 millions. Les sources principales des revenus sont les douanes, qui ne font pas obstacle aux consommations vitales, un impôt foncier très modéré, le monopole du tabac, que le trésor songe à abandonner au profit de l’industrie privée. Le crédit de l’état est excellent parce que la dette publique est légère et régulièrement amortie. La dette intérieure ne dépasse pas un capital de 17 millions de francs, même en comptant les engagemens qui viennent d’être pris pour le rachat du chemin de fer de Valparaiso. La dette extérieure ancienne est réduite à 28 millions de francs en capital. Un nouvel emprunt destiné à l’achèvement des deux principaux chemins de fer, et dont le capital nominal s’élève à 38,870,000 francs, a été contracté l’année dernière sur la place de Londres à un taux un peu supérieur à celui qu’a réalisé le dernier emprunt national français. Cette nouvelle dette ne sera pas une charge pour le public, puisque les sommes obtenues seront intégralement employées pour la confection d’un réseau dont le produit augmentera les recettes du trésor.