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Le Chili avait conservé de ses anciens maîtres, comme les autres colonies hispano-américaines, un recueil confus de lois et de coutumes empruntées au droit romain, aux lois d’Alphonse le Sage, aux Siete Partidas, à l’ordonnance de Bilbao, à l’ancienne jurisprudence coloniale. Le projet de refondre toutes ces lois pour les approprier aux besoins d’une société régénérée existe depuis longtemps ; l’impulsion décisive en a été donnée par M. Montt. Le pays ne manquait pas de légistes à la hauteur de cette œuvre. L’un d’eux surtout était désigné par l’opinion comme par ses antécédens : c’était M. Andrès Bello, qui possède à un degré éminent la philosophie et la science du droit, et est justement renommé dans tout le monde espagnol pour des travaux de grammaire et de philologie qui sont devenus classiques. Chargé depuis quelques années de la direction des études universitaires, M. Bello occupait ses loisirs à la préparation d’un code civil ; c’était son œuvre de prédilection et le noble couronnement de son existence. Ce projet, soumis enfin à la discussion du congrès par l’initiative du président, a été adopté dans presque toutes ses parties, et il a force de loi depuis le 1er janvier 1857. Je n’ai pas caractère pour apprécier une pareille œuvre ; tout ce que je puis dire, c’est que des jurisconsultes européens y reconnaissent une méthode simple et profonde, une heureuse alliance du droit romain, du droit hispanique et des lois françaises inspirées par l’esprit de 89. Bientôt le congrès chilien aura encore à discuter un projet de code pénal élaboré par M. Carvallo, un code de commerce préparé par M. Gabriel Ocampo, un code de procédure civile que l’on devra à M. Varas.

Il y aurait à signaler aussi les tendances de l’administration chilienne par rapport au commerce : elles procèdent généralement d’un sentiment libéral. On a dit avec raison que la législation douanière en chaque pays est l’expression d’une pensée ou d’un instinct politique. Si on étudiait à ce point de vue le système douanier du Chili, on aurait à constater l’impatience de développer la vitalité nationale, de hâter l’illustration du pays, c’est-à-dire, suivant le sens que donnent les Espagnols au mot que je souligne, l’éducation publique, le rayonnement fécond des lumières. Le législateur a voulu faciliter l’introduction de tout ce qui peut aider l’instruction générale et professionnelle, de tout ce qui peut être considéré comme instrument de travail, et comme il fallait faire la part du trésor public, ce sont les objets de luxe, les consommations de fantaisie qui ont été imposés. Les idées de prohibition, sous prétexte de faire éclore une industrie nationale, ont été sagement écartées. Un traité avec la république argentine établissant l’exemption absolue et réciproque de tous droits par terre, l’affranchissement des lettres d’un