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cultivateur étranger ait la tentation d’en acquérir. Au sud de la république, dans une région très boisée dont la température rappelle le nord de l’Europe ou le far west américain, le gouvernement possède des terres qu’il donne ou vend à prix minime aux étrangers. Au moyen d’une agence d’immigration dont le siège est à Hambourg, on introduit chaque année un certain nombre de familles allemandes. Ainsi se sont formés divers centres de population dont le plus important, celui de Llanquihue, comprend déjà 244 familles avec 1,064 têtes. À ne considérer que l’intérêt de ces Européens, on pourrait dire que ce système réussit ; mais on commence à se demander au Chili s’il est profitable pour le présent et prudent pour l’avenir de grouper ainsi dans un coin du territoire des colons qui restent étrangère au pays par la race, la langue, le caractère, les mœurs, et qui en raison de leur isolement ne servent pas même à vulgariser les bonnes méthodes européennes. Ce rude problème de la colonisation est à l’étude en ce moment.

Des moyens plus indirects et souvent efficaces pour l’encouragement de l’agriculture n’ont pas été négligés. On prépare, depuis 1853, sous les auspices de M. Montt, et on commence à publier en ce moment un fort bel atlas topographique du Chili. Les plans relevés par un corps de géomètres sous la direction d’un habile géologue, M. Pissis, et gravés avec soin à Paris, indiquent la constitution du sol par des teintes diverses, les hauteurs, les communications, les grands domaines, les principales exploitations rustiques, les lavages d’or, les gisemens d’argent, de cuivre, de fer, les fourneaux métallurgiques. Deux cartes sont achevées, et avant peu d’années on possédera des relevés de ce genre pour toutes les provinces. Il y a aussi des projets pour dresser une statistique agricole. L’agriculture a surtout besoin de communications faciles : à cet égard, et malgré les aspérités du terrain, on a fait au Chili depuis dix ans beaucoup plus que dans aucune autre partie de l’Amérique méridionale. Les routes principales et la plupart des voies accessoires sont bien entretenues. On en est actuellement aux chemins de fer. Sans parler du rail-way de Caldera à Copiapo, créé pour le service des mines par l’industrie particulière et qui donne de beaux revenus, on construit en ce moment la voie principale, celle qui doit relier Valparaiso à la métropole sur un développement de 177 kilomètres. C’est la grosse affaire du pays et celle qui a le plus excité les passions politiques en ces derniers temps, comme je l’expliquerai plus loin. Une section de 49 kilomètres seulement de Valparaiso à Quillota est en exploitation, et cependant la plus grande partie du capital est absorbé. On s’étonne au Chili de ce résultat. Nous sommes d’humeur plus accommodante en Europe. Je