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12,000. On s’étonne que l’industrie vitale du pays, celle des mines, emploie à peine 20,000 personnes. Les petits métiers qui pourvoient au besoin de chaque instant, les maçons, charpentiers, forgerons, muletiers, tailleurs, cordonniers, chapeliers, etc., formeraient bien un groupe de 50,000 industriels. Dans la partie laborieuse de la population féminine, les gros chiffres sont fournis, suivant l’usage, par les fileuses, lingères, couturières, blanchisseuses. Je trouve, en nombres ronds, 300 avocats, 140 médecins, 800 artistes musiciens, un millier de professeurs des deux sexes. Ce qui me frappe surtout, c’est le très petit nombre des prêtres, des militaires et des fonctionnaires publics, comparativement à la France[1]. Quant à la mendicité, elle n’est mentionnée sur les cadres que par une sorte de coquetterie nationale et pour montrer qu’elle n’existe pas.

On peut voir par ce qui précède qu’il n’y a, à proprement parler, que deux industries au Chili : l’exploitation de la terre cultivable et celle des mines d’argent et de cuivre. Un autre élément de richesse a été récemment découvert, la houille, qui paraît exister en abondance et en bonne qualité en plusieurs endroits ; mais ce genre d’industrie ne se développera que quand le combustible sera demandé en assez grande quantité pour que les capitalistes ne reculent plus devant les énormes frais d’installation que ces établissemens exigent. Des documens remontant à une dizaine d’années, et qui ne répondent déjà plus aux faits actuels, suffisent néanmoins pour donner une idée de la distribution de la propriété foncière au Chili. Les fonds de terre soumis au prélèvement de la dîme étaient au nombre de 32,822, et le revenu net imposable déclaré par les propriétaires, mais très inférieur à la réalité, dépassait 37 millions de francs ; les propriétés bâties dans les villes étaient au nombre d’environ 16,000, avec un revenu avoué de 25 millions de francs. Les choses se sont bien améliorées depuis cette époque, et la preuve, c’est l’énorme augmentation du prix des terres et des loyers d’habitation, surtout dans la région centrale qui s’étend entre Valparaiso et Santiago, et quant au revenu actuel des propriétaires, on se rapprocherait probablement de la vérité en triplant les chiffres mentionnés plus haut.

Les trois provinces du nord (ce sont au Chili celles qui sont chaudes et arides) sont à peu près incultes : c’est aux mines d’argent et de cuivre qu’elles doivent leur importance. Les indices géologiques donnent à penser que les veines exploitées ne sont qu’une parcelle des trésors enfouis dans ces déserts. Cet inconnu exerce sur les esprits une incessante fascination ; mais le manque absolu d’eau,

  1. Prêtres au Chili, moins de 6 pour 10,000 habitans ; — militaires, 32 pour 10,000 habitans ; — fonctionnaires y compris la police, 15 pour 10,000 habitans ; — mendians hommes et femmes, 1 pour 10,000 habitans.