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fournissent les plus curieux exemples de force musculaire, où les centenaires[1] sont relativement plus nombreux que partout ailleurs ? La mortalité anormale du premier âge ne peut être expliquée que par l’ignorance et l’incurie au sein des basses classes qu’on a si longtemps négligées. Le remède a ce fléau, c’est d’élever le niveau de la moralité au moyen de l’éducation publique. Une noble émulation existe à cet égard parmi les hommes d’état du Chili. On y comprend surtout l’urgence des sacrifices pour l’instruction primaire, qui protège immédiatement l’enfance en lui offrant l’école pour asile, et qui prépare pour l’avenir des chefs de famille plus intelligens, plus accessibles à l’idée du devoir.

On est arrivé jusqu’en 1853 sans avoir aucun renseignement positif sur l’état de l’instruction populaire. La première enquête a été dirigée par le ministre d’alors, M. Silvestre Ochagavia, et j’aime à retrouver dans son rapport l’accent d’une véritable sympathie pour ces pauvres délaissés qu’il s’agit de soustraire à la servitude et aux périls de l’ignorance. L’éducation primaire est distribuée au Chili par des écoles fiscales, municipales, particulières ou conventuelles ; on ne paie que dans les établissemens particuliers, et non pas même dans tous : l’admission dans les trois autres catégories est gratuite. Avant 1853, le nombre des écoles de toute espèce était de 521, dont 362 pour les garçons, avec 17,553 élèves, et 159 fréquentées par 5,603 petites filles. Le total des enfans répartis dans les diverses écoles primaires était donc seulement de 23,156, et le nombre de ceux qui recevaient l’éducation gratuite dans les classes subventionnées par l’état et les municipalités ne dépassait pas 14,415. Plus du tiers de ces enfans n’en étaient encore qu’à l’épellation syllabique ; les autres lisaient couramment et écrivaient un peu. Environ 7,000 élèves commençaient à s’élever jusqu’aux notions du catéchisme, de la grammaire castillane et de l’arithmétique.

Les progrès de l’instruction primaire sous l’administration de M. Montt sont un des traits qui servent le mieux à la caractériser. Si les écoles municipales, particulières et conventuelles ont plutôt perdu que profité depuis sept ans, en revanche les écoles soutenues par le fisc et surveillées par l’état ont passé du nombre de 165, avec moins de 9,000 élèves, au chiffre de 454, avec 22, 349 élèves. L’augmentation du nombre des classes pour les filles est particulièrement remarquable. En somme, les écoles d’espèces diverses consacrées à l’éducation populaire sont fréquentées en ce moment par 35,000 enfans des deux sexes, sans compter quelques salles d’asile dans lesquelles

  1. Le recensement général de 1854 indique nominativement, et après enquête pour suppléer à l’insuffisance des actes authentiques, 588 individus de 100 à 134 ans.