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puis, après avoir traversé la nuit, nous nous retrouvâmes dans le hangar au milieu des blocs de sel versés par le tonneau.

Ce minéral est employé dans certains pays pour sculpter des ouvrages d’art. Il existe en Espagne, près de Cardona, dans la Catalogne, une montagne de sel dont la masse présente une élévation de quatre à cinq cents pieds. Le sel de Cardona, de différentes couleurs, mais le plus souvent blanc et transparent comme le cristal, reste longtemps dans l’eau sans se dissoudre : on en fait des vases, des urnes, des chandeliers. En Angleterre, le sel gemme se montre beaucoup plus sensible aux influences de l’humidité ; aussi se hâte-t-on de le convertir en objet de commerce. De la bouche de la mine, on commence par le transporter dans la maison à bouilloire [boiling-house), où il va se purifier et revêtir la blancheur de la neige. Les boiling-houses sont de grossières constructions, avec une fournaise et de grands tuyaux de cheminée qui la nuit flamboient dans le ciel comme des torches. On monte par un escalier en échelle sur une plate-forme en bois, au milieu de laquelle fume une chaudière ouverte et peu profonde, ayant à peu près vingt pieds de long sur douze de large. C’est là-dedans qu’on jette le sel, plus ou moins chargé de matière terreuse, et tel qu’il est sorti des entrailles de la mine. Quand il a bouilli dans l’eau durant six ou sept heures, on le recueille dans des moules (barrows) qui ont à peu près la forme d’un pain de sucre. De là on le transporte dans une chambre chaude, où on le laisse sécher pendant quelques jours. À partir de ce moment, le sel est fait, il ne reste plus qu’à l’entasser dans le store-house, sorte de grange ou de magasin au sein duquel il est curieux de voir ces montagnes neigeuses, plus ou moins recouvertes d’une légère croûte de poussière. La blancheur du sel fabriqué contraste en effet d’une manière piquante avec les murs sombres et enfumés de la manufacture, les amas de charbon de terre et toute sorte de choses noires. Au fur et à mesure des demandes, on remue à la pelle et l’on charge sur des voitures ou des bateaux ce produit de l’industrie. La vue d’un tel ensemble de travaux fait naître plus d’une réflexion sur les soins et les sacrifices qu’exige la préparation des matières les plus usuelles. Les fournaises du Cheshire ont rugi, les roues des machines ont tourné, des vies d’ouvriers ont même été détruites dans plus d’un cas par des accidens divers, avant que l’homme puisse jouir à table d’une chose aussi vulgaire qu’une pincée de sel.

Au point de vue du commerce des salines, la position de Northwich est excellente. Presque tout le sel destiné à l’exportation se fait dans la vallée du Weaver, il est expédié sur cette rivière dans des barques. Le Weaver communique avec le Mersey, qui se jette