Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/751

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur en ai dit ! » Ils finissent ordinairement par prendre du service sur les galères du roi. Falstaff est leur cousin, et Marco-Pepe, de Rome, qui embourse dix-neuf coups de nerf de bœuf sur vingt, marche dignement sur leurs traces. Les Romains prétendent seulement que Marco-Pepe est un Napolitain naturalisé.

Au-dessus, et bien au-dessus de ces principaux types qui représentent dans une mesure plutôt comique qu’exagérée les sottises et les malices de la bête humaine, se dresse cette figure vraiment extraordinaire, vraiment monstrueuse, de Polichinelle. C’est d’ailleurs le plus ancien et le plus noble. Il est né, dit’on, à Atella, entre Naples et Capoue ; mais son origine est plus haute, et son galbe grotesque se retrouve dessiné sur certains débris de la vieille Babylone et de l’antique Égypte. Était-il l’incarnation typique des élémens impurs adorés par les croyances païennes, ou bien représentait-il déjà la négation ironique des idéales destinées promises à l’homme ? C’est aux souvenirs osques qu’il doit surtout ses habitudes brutales, et aux orgies de Caprée, dont-il fut le témoin, ses cruautés lascives. Comme Mardoche, il a fait ses classes de bonne heure, et acquis de la vie une rude expérience ; son enfance a été malheureuse : sa nourrice l’ayant laissé tomber sur le dos, puis sur le ventre, il en est résulté ces deux bosses qui ne l’empêchent pas de réussir auprès des femmes, car il sait être avec elles insolent et caustique. Tout jeune, il avait cette voix de poulet qui lui a fait donner son nom [pullus gallinaceus, pulcino, pulcinella), et que la pratique lui a conservée. Ce qui distingue Pulcinella, c’est son froid égoïsme et sa férocité goguenarde. Il est pourtant bonhomme, et il est parfois de belle humeur : c’est qu’il vient d’administrer à la morale une volée de coups de langue, au commissaire une volée de coups de bâton. À qui croit-il hors de lui-même ? Il fut un temps où il croyait au diable ; mais depuis qu’il l’a rossé et que Punch a tué Old-Nick, il est tombé dans un effrayant scepticisme et un profond découragement. Les enfans profitent de cet intervalle pour l’embrasser. « O Polichinelle, disait Charles Nodier toi dont la tête de bois renferme essentiellement dans sa masse compacte et inorganique tout le savoir et tout le bon sens des temps modernes ! »

Les figures secondaires de la comédie improvisée sont innombrables ; il en est quelques-unes que leur présence habituelle a rendues nécessaires et typiques, celles d’abord qui représentent la loi, la force, la justice, la morale… et l’hygiène. Les apothicaires et les médecins de Molière sont présens à la mémoire de tous ; le plus renommé en Italie, c’est le docteur bolonais Grazian Baloardo. On voit d’ici le notaire avec sa perruque à huit marteaux, sa robe noire, son nez bourgeonné, ses énormes lunettes, sa canne d’une main, son portefeuille de l’autre, plume à l’oreille. Alfred de Musset a fixé en deux lignes cette figure égrillarde et gourmande dans maître Capsucefalo, le notaire de la charmante comédie de Bettine. Tout cela se complète du procureur, du commissaire et du sbire. Une création napolitaine, Tartaglia, résume tour à tour ces différens types. George Sand, dans un de ses derniers romans, Daniella, a tracé de Tartaglia comme caractère italien de réalité moderne un très curieux portrait.

On a vu les pères et les valets, voici les enfans et les servantes. Ici les libertés