faire valoir leurs droits à l’encontre de leurs gouvernemens. L’esprit pacifique et l’esprit libéral grandissaient dans le royaume-uni en se donnant la main. Dès que les arrangemens de 1815 furent accomplis, l’Angleterre se détacha de cette conspiration dirigée bien plus encore contre la liberté que contre la France, et qui s’appelait la sainte alliance. Les libres discussions de sa presse et de son parlement ne laissèrent point dormir ces souverains despotiques occupés à traquer toutes les aspirations nationales et libérales des peuples en les flétrissant du nom d’esprit révolutionnaire. Les cours despotiques se plaignirent d’abord doucement des embarras que leur causaient les libertés parlementaires anglaises, et s’efforcèrent poliment, en exprimant leurs doléances aux ministres anglais, de séparer le cabinet britannique de la responsabilité qu’elles imputaient à la chambre des communes. Un jour par exemple, M. de Metternich, le spirituel dogmatiste de l’absolutisme, adressa des plaintes de ce genre à M. Wellesley, qui fut depuis lord Cowley, le père de l’ambassadeur actuel d’Angleterre à Paris. M. Canning fit à cette critique une réponse qui dut apprendre au chancelier autrichien que l’Angleterre était déjà bien loin de 1815. « Il paraît, écrivit Canning à M. Wellesley, que, suivant le prince de Metternich, si nous ne changeons pas nos façons, les états du continent n’auront plus qu’à se mettre en garde contre le mal que font nos discours dans le parlement… Pour que notre influence au dehors se conserve, il faut qu’elle se retrempe constamment aux sources de notre force au dedans, et les sources de cette force sont dans la sympathie qui règne entre le peuple et le gouvernement, dans l’union du sentiment public avec les conseils publics, dans la confiance réciproque et la coopération de la chambre des communes et de la couronne. Si le prince de Metternich s’est figuré que la chambre des communes est une simple entrave à la liberté d’action des conseillers de la couronne, que tout en ayant à tempérer les préjugés de cette chambre et à calmer sa mauvaise humeur, le gouvernement en fait demeure indépendant de son impulsion, en un mot que notre tâche est de la conduire et non de la consulter, — il se trompe. La chambre des communes fait essentiellement partie de l’autorité nationale aussi bien que des conseils nationaux, et malheur au ministre qui entreprendrait de conduire les affaires de ce pays en concertant uniquement sa politique étrangère avec une grande alliance, et croirait pouvoir réaliser les vues de cette alliance en jetant un peu de poudre aux yeux à la chambre des communes ! Et cependant voilà la conduite que le prince de Metternich paraît croire possible ! C’est un point, permettez-moi de vous le dire, mon ; cher Wellesley, où, d’après votre propre rapport, vous ne lui avez pas suffisamment exposé son erreur. »
Si, au lieu de s’adresser au ministre d’un gouvernement despotique, ce digne et fier langage eût été entendu par les peuples, ils n’eussent pu y voir, remarquons-le en passant, que l’expression éclatante de la sécurité que le gouvernement parlementaire donne aux rapports internationaux. Dans cette forme de gouvernement en effet, toute entreprise, pour être résolue, a besoin de l’accord préalable du pouvoir exécutif et du conseil national ; elle exige en quelque sorte un contrat publiquement débattu et arrêté entre les deux parties, mettant ainsi les tiers à l’abri des surprises ;