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Elle aimait à voir luire
Partout un clair sourire,
Sur les fleurs, sur les fronts.
Pour elle, c’était fête
Quand sa calme retraite
S’emplissait de chansons.

Quand vint sa dernière heure,
Mai para la demeure
Du faîte jusqu’au seuil ;
Tous les lilas s’ouvrirent,
Et leurs grappes couvrirent
Le drap de son cercueil.

Perché près de la porte,
Le pinson à la morte
Modula son adieu,
Et de chants escortée,
La chère regrettée
Monta gaîment vers Dieu.

Au vieux logis fidèle,
Dans ce jardin plein d’elle,
Moi, j’ai grandi, vécu ;
Rêves, amour, étude,
Dans cette solitude
Tout mon cœur a tenu.

Là, mes rimes sont nées ;
Là, je les ai glanées
À l’ombre des fourrés,
Dans les fleurs du parterre,
Sous la mousse et le lierre
Des murs gris délabrés.

Je t’apporte, ô grand’tante,
Ma gerbe verdissante,
Et comme le pinson,
Sur le seuil de la porte,
Je viens dire à la morte
Ma meilleure chanson.


II. — MARGUERITE.


J’avais, quand je la vis, mes dix-huit ans à peine,
Nous nous réunissions un soir chaque semaine
Chez un des grands parens, et là, tous les jeudis,
Fillettes de seize ans, écoliers étourdis,