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LA
DUCHESSE DE CHOISEUL
ET MME DU DEFFAND

Correspondance inédite de Mme Du Deffand, précédée d’une notice par le marquis de Sainte-Aulaire, 2 vol. in-8o, 1859.



On ne connaîtra plus bientôt cette vie des temps passés qui apparaît dans le lointain et dont nous sommes séparés, bien plus que par les ans, par une révolution d’idées et de mœurs. On ne connaîtra plus le monde d’autrefois ; je veux dire que de cette ancienne société française, la première, la plus élégante, la plus animée, la plus spirituelle et la plus frivole des sociétés, rien ne subsistera plus réellement, pas même les échappés du naufrage qui en ont été parmi nous les derniers représentans ou les derniers témoins. Ceux qui dans leur jeunesse ont pu voir M. de Choiseul avant sa mort, ceux qui datent de la lutte des parlemens et du chancelier Maupeou, ou qui ont pu entendre parler de Voltaire et de Mme Du Deffand comme de personnages qui vivaient encore la veille, ceux-là se compteraient aujourd’hui assurément. Hélas ! tout se renouvelle, tout change dans les habitudes, dans les préoccupations et les usages. L’esprit de sociabilité s’est métamorphosé tellement qu’il faut un effort d’intelligence, presque un don d’intuition, pour recomposer ce passé d’hier qui s’appelle désormais l’ancien régime. Il y a un penseur qui a dit que les révolutions étaient la condensation du temps, ce qui signifie que dans les momens de crise tout s’accélère, et que