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jamais. Si un jour il y avait lieu de prendre au sujet de l’Orient un de ces grands partis auxquels les écrivains sont toujours prêts, et que les hommes d’état ajournent toujours, ce ne seraient pas deux puissances qui en décideraient, et l’Europe n’oublierait point que la Grande-Bretagne, par la voix même de lord John Russell, a refusé le partage que lui offrait la Russie.

Quant à l’Italie, ni l’Angleterre ni la France n’ont apparemment contre elle de mauvais desseins. Dans les généralités qui la concernent, toutes deux tiennent le même langage ; c’est quand il faut en venir à la pratique que les différends se produisent. L’Angleterre exige plus pour l’Italie, n’ayant rien fait pour elle ; la France demande moins, peut-être parce qu’elle a fait davantage. À moins de supposer à l’une ou à l’autre un désir secret de tout brouiller, l’Angleterre ne peut manquer de comprendre qu’elle ne saurait tout obtenir, la France, qu’elle n’est pas obligée à ne rien accorder. Tout peut être terminé par un compromis, si les puissances européennes se mettent d’accord sur ce point, que l’Italie, confédérée ou non, ne doit être qu’italienne. Elle le sera, si des Alpes au golfe de Tarente les traités ne souffrent que des soldats italiens, si les peuples comprennent que les questions de constitution sont encore plus importantes que les questions de dynastie. Malheur aux peuples qui préfèrent un nom propre à une liberté !

Il serait imprudent et ridicule d’indiquer, même vaguement, une solution de la question italienne. Ce qui nous importe surtout ici, c’est de rappeler que la différence d’opinion sur ce point entre la France et l’Angleterre ne contient pas le germe d’une rupture même éloignée, puisque assurément ni la France ni l’Angleterre ne prendraient les armes pour une restauration de plus ou de moins. L’Angleterre ne se départira pas de la non-intervention, la France n’abandonnera pas l’objet de son intervention : il n’y a point là de conflit, au contraire ; il y a une question de plus ou de moins, le but est le même. Ces affaires sont embarrassées et difficiles, mais elles ne sont pas au-dessus des forces d’un congrès, et pour que la paix du monde périt dans ses délibérations, il faudrait en vérité le vouloir.

Or qui donc le veut ? Qui soupçonne-t-on de le vouloir ? Qu’on nous le dise. Les deux gouvernemens ne pourraient être accusés d’une telle arrière-pensée que par leurs plus grands ennemis. Comment supposer qu’une guerre qui ne servirait que des passions serait dans les projets d’un gouvernement ? Ces crimes du bon plaisir ne sont pas de notre temps. Quant aux deux nations, elles n’ont ni l’une ni l’autre à se plaindre de leur bon accord, pour avoir envie de le voir remplacer par l’antagonisme. Comment sans ce bon accord, ou plutôt sans cette coopération, l’Angleterre aurait-elle, en 1854,