France en 1777 ; il est difficile de lui trouver un intérêt visible et permanent dans la guerre qu’elle déclara spontanément et sans grief. L’événement ne fut à la gloire ni de la sagesse, ni même de l’énergie du gouvernement anglais ; mais l’Angleterre n’en fut pas matériellement affaiblie, et de part ou d’autre l’orgueil seul souffrit on triompha. C’est cette lutte de passions que devait renouveler en de plus grandes proportions la guerre de la révolution française.
On ne dirait pas aisément qui le premier l’a déclarée ; il est certain cependant que Pitt a plus hésité que la république française. Parmi nos hommes d’état du moment, Brissot passait pour le plus éclairé sur les questions extérieures. En conseillant à la révolution la guerre, il avait longtemps compté sur la neutralité, même sur la secrète sympathie des pays libres ou des gouvernemens éclairés ; mais après la conquête de la Belgique il écrivait au général Dumouriez : « C’est ici un combat entre la liberté et la tyrannie, entre la vieille constitution germanique et la nôtre… Pas un Bourbon ne doit rester sur le trône ! Ah ! mon cher, qu’est-ce qu’Alberoni et Richelieu, qu’on a tant vantés ? qu’est-ce que leurs projets mesquins, compares à ces soulèvemens du globe, à ces grandes révolutions que nous sommes appelés à faire ? Ne nous occupons plus de ces projets d’alliance avec la Prusse, avec l’Angleterre : misérables échafaudages ! tout doit disparaître ; novus rerum nascitur ordo. Il faut que rien ne nous arrête… Une opinion se répand ici : la république française ne doit avoir pour bornes que le Rhin. » Et Brissot, peu de mois après, proposait, au nom du comité de défense générale, la guerre contre l’Angleterre.
On vient de lire le programme de la guerre révolutionnaire. Combien de fois depuis avons-nous vu écrire le commentaire de ce texte ! Quand un peuple a été une fois bercé des promesses de ces émotions grandioses que donnent la force et la passion dissimulées par la gloire, que n’en peut-il pas rester dans son imagination ! Les paroles de Brissot, appelant la nation anglaise à faire justice des conspirateurs qui la gouvernaient, n’étaient pourtant que la contre-partie des conseils qu’avec un tout autre talent Burke donnait à son pays. Lui aussi, il voulait une guerre qui fût une lutte entre deux principes ; seulement la politique de non-intervention, cette idée tout anglaise, que Burke appelait la politique de désertion, luttait dans l’esprit de Pitt contre ses aversions anti-révolutionnaires. Même lorsqu’il abandonnait de fait la non-intervention, il n’y voulait pas renoncer en principe. Longtemps on n’a vu dans Pitt que le fils de Chatham, il était Grenville aussi pour le moins autant, et son caractère politique fait penser à la ressemblance de ses traits avec ceux de sa mère. Ni l’enthousiasme du patriote, ni la colère du conservateur,