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fortement marquée. Ces bandes avaient 5 degrés de large, 20 ou 30 minutes d’épaisseur, et pouvaient avec vérité se comparer ou bien aux rayons qui interrompent souvent la continuité de l’arche d’une aurore boréale, ou à une collection de cinq ou six queues de petites comètes, débris d’une comète plus grande. Quelle qu’en ait été la vraie nature, l’impression faite sur les yeux suggérait cette comparaison. Ces bandes furent visibles pendant deux soirées, mais elles disparurent bientôt à cause de la lumière lunaire. » Il est peu d’observations plus curieuses à citer parmi celles dont les phénomènes célestes ont été récemment l’objet. Pour faire bien comprendre la dernière de ces observations à ceux qui n’ont point vu les dessins de M. Bond, je comparerais volontiers, comme on l’a fait quelquefois, la comète à un grand sabre turc ; on verrait alors sur la partie la plus recourbée et la plus large de la lame une série de lignes pareilles à des damasquinures très régulières. Une des pensées que suggère l’aspect de ces bandes alternativement foncées et brillantes dans la queue, c’est qu’un tel phénomène n’est pas facilement compatible avec une hypothèse dont j’ai déjà dit un mot, et qui est généralement admise. Si cette hypothèse était fondée, les queues des comètes ne seraient que d’immenses cornets creux. L’examen de ces bandes, dont la direction n’est point la même que celle de la queue, autorise, à croire que ces grandes traînées de matière cométaire ne participent qu’à demi au mouvement général de translation qui entraîne la comète, et peut-être finissent-elles par s’en détacher entièrement pour flotter au hasard dans les espaces interplanétaires. Si les queues laissaient ainsi derrière elles une partie de la matière qui les compose, la masse des comètes devrait sans cesse aller en diminuant. Je mentionne en passant ces conjectures, parce qu’on a quelquefois voulu voir dans les corps qui s’enflamment en tombant dans notre atmosphère des débris ou résidus de comète. Il faut toujours accueillir avec faveur les conceptions qui tendent à unir par des liens nouveaux les phénomènes variés dont l’univers est le théâtre ; mais la critique, tout en les enregistrant avec soin, ne doit point en dissimuler la valeur précaire tant qu’elles ne s’appuient point sur des preuves positives.

M. Bond, en fournissant au monde savant ces belles observations sur la comète de Donati, n’a pas cherché à formuler une théorie nouvelle et à embrasser tant de singulières apparences dans une explication synthétique. On peut donc encore répéter aujourd’hui ce qu’écrivait sir John Herschel dans son Astronomie : « C’est surtout au point de vue physique que les comètes stimulent le plus vivement notre curiosité. Il y a, sans aucun doute, dans les phénomènes de la formation de leurs queues, quelque profond secret,