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« A notre retour dans la capitale, l’empereur nous a ordonné de venir à Shang-haï pour nous entendre avec vous et discuter mûrement une question qui intéresse les deux pays.

« Votre excellence est convaincue de notre désir sincère d’assurer le maintien des relations amicales. Nos sentimens de droiture nous commandent de vous exposer en toute vérité ce qui nous froisse le plus. — L’article 3 du traité porte que « l’ambassadeur ou autre dignitaire représentant sa majesté la reine d’Angleterre peut résider d’une manière permanente dans la capitale ou s’y rendre pour une visite temporaire, au choix du gouvernement anglais. » L’emploi de l’expression ou, qui implique évidemment l’absence de décision, atteste la prudence et la haute sagesse de votre excellence, qui n’aurait jamais songé à prendre à l’égard de qui que ce fût une décision arbitraire et précipitée. — Ce point établi, nous devons vous dire que la population de la capitale se compose surtout d’hommes de la bannière, qui, n’étant jamais sortis des murs, n’ont aucune idée des sentimens ni des habitudes des autres régions. De même, les affaires que les fonctionnaires de tous grades ont à traiter dans la capitale sont exclusivement métropolitaines. Ces fonctionnaires ne savent rien des questions provinciales. Or les mœurs et les dispositions du peuple de Pékin diffèrent essentiellement de celles du sud et de l’est. Si donc des étrangers y résident, il arrivera certainement que leur présence et leurs mouvemens exciteront une vive surprise et créeront des malentendus ; le moindre incident donnera lieu à des querelles, et ce serait pour nous un grand dommage de voir, pour des motifs très futiles, s’élever entre nous de sérieuses discussions. Il faut songer que la Chine est en ce moment dans un grave état de crise, et si, comme il y aurait tout lieu de le craindre, la population était excitée et trompée au sujet de cette clause, nous nous trouverions en face de nouveaux élémens de troubles. L’on ne saurait évidemment réduire la Chine à de telles extrémités ! — Puisque désormais une paix perpétuelle a été convenue entre la Chine et la nation que représente votre excellence, nous devons nous efforcer en commun de ménager les intérêts de l’un et de l’autre pays…

« Chacun des articles du traité vous confère des avantages considérables, et l’empressement avec lequel sa majesté l’empereur a donné son assentiment atteste un extrême désir de bienveillance. Parmi ces articles, il en est un, concernant la résidence à Pékin, qui est très pénible pour la Chine, et comme il s’agit d’un privilège qui n’a été accordé ni aux Français, ni aux Américains, et qui n’est concédé qu’à votre pays, nous venons prier votre excellence d’examiner avec nous un mode de transaction qui permette de ne point exécuter cette clause. Si vous accueillez notre ouverture, l’empereur déléguera l’un des principaux secrétaires d’état ou un ministre pour résider dans les provinces, au lieu qu’il plaira au représentant de votre gouvernement de choisir pour résidence habituelle. Lorsque Nankin sera repris sur les rebelles, votre ambassadeur pourra, s’il le désire, faire choix de cette ville. Les différentes dispositions du traité doivent être fidèlement et a toujours observées ; en cas de violation de l’une d’elles, votre ambassadeur irait s’établir à titre permanent dans la capitale… »

Ainsi, comme on l’avait prévu, les commissaires impériaux venaient