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nouvelle guerre pour arriver enfin à la conclusion d’une paix plus solide, ils ont examiné avec soin ce qu’il serait utile de réclamer et possible d’obtenir sûrement. Cet examen a été plus favorable au gouvernement chinois qu’on ne le supposait au premier abord. La nécessité d’une campagne de guerre n’a pas été un seul moment en question : ni la Grande-Bretagne ni la France ne sauraient demeurer sous le coup de l’échec du Pei-ho, et leur prestige doit être rétabli à tout prix sur les côtes de Chine ; mais, ce point admis, on a reconnu que, dans le verdict à prononcer sur l’ensemble de ce grand procès international, on pouvait équitablement accorder aux Chinois le bénéfice des circonstances atténuantes. C’est ce que nous devons examiner à notre tour en feuilletant les pièces des récentes négociations. Lors même qu’un intérêt pratique et immédiat ne nous commanderait pas de porter notre attention sur cette correspondance, nous y serions engagés par un légitime sentiment de curiosité, car lord Elgin a eu soin d’annexer à ses communications non-seulement les notes qu’il a reçues des mandarins chargés de traiter avec lui, mais encore un certain nombre de documens qui ont été découverts dans les archives de Canton, et qui révèlent en partie les opinions et les résolutions secrètes du cabinet de Pékin au sujet des étrangers. Nous pouvons donc voir à l’œuvre les diplomates chinois, les entendre à la fois sur le théâtre des conférences et dans les coulisses, recueillir leurs conversations familières en même temps que leurs déclarations officielles, et nous former une idée à peu près juste de leur habileté et de leur sincérité. Il y a là pour les négociations ultérieures plus d’un enseignement utile, et pour le récit de la dernière campagne une série d’incidens et d’épisodes où l’on retrouve souvent l’amusante originalité du caractère chinois.


I

D’après les instructions de lord Clarendon, ministre des affaires étrangères, le premier soin de lord Elgin, dès son arrivée en Chine, devait être de se porter vers le golfe de Petchili, et d’ouvrir, sans délai des négociations directes avec le cabinet de Pékin, afin d’obtenir le redressement des griefs accumulés à Canton et de fixer les conditions jugées nécessaires pour la sécurité du commerce. L’ambassadeur anglais ne se conforma point à ces instructions. D’accord avec l’amiral sir Michael Seymour, il pensa qu’il valait mieux ne considérer, au début, la querelle de Canton que comme un incident particulier, purement local, n’engageant pas l’ensemble des relations avec le gouvernement chinois. Porter un ultimatum à Pékin, c’eût été, en cas de refus, provoquer immédiatement la guerre générale,