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n’aurait rien qui ne fût conforme aux principes élémentaires de la mécanique. Il faut seulement remarquer que si l’on voulait que cette voûte restât en équilibre, il faudrait que toutes ses parties fussent également attirées par la terre, ce qui constituerait évidemment un état d’équilibre instable, lequel pourrait être dérangé par mille circonstances, par le passage accidentel d’une comète, ou même par l’action régulière de la lune. Ces causes perturbatrices précipiteraient ce pont sur la terre. Ces raisonnemens hypothétiques peuvent être appliqués, en point de fait, à l’anneau qui existe autour de Saturne. » Laplace, en examinant à quelles conditions cet anneau pouvait rester en équilibre stable, a montré qu’il fallait le douer d’un mouvement de rotation assez accéléré pour que la force centrifuge pût contre-balancer dans les diverses parties de l’anneau les effets de l’attraction exercée par le globe saturnien. Il a prouvé, en appliquant à ce difficile sujet la rare pénétration dont il était doué, qu’on peut très bien rendre compte ainsi des légères Inégalités de forme de l’anneau saturnien, inégalités qui se révèlent par certains phénomènes lumineux qui deviennent surtout sensibles quand l’anneau est aperçu sur sa tranche. « Ces inégalités, écrivait-il à ce sujet, sont indiquées par les apparitions et les disparitions de l’anneau de Saturne, dans lesquelles les deux bras de l’anneau ont présenté des phénomènes différens. » Il considère les anneaux dont Saturne est environné comme des solides irrégulièrement circulaires qui peuvent être regardés comme autant de satellites annulaires se mouvant autour de la planète à des distances et avec des vitesses inégales. Cette ingénieuse hypothèse s’accorderait bien avec les observations qui nous montrent des lignes noires divisant les anses des deux anneaux lumineux, si ces lignes avaient un caractère de permanence semblable à celle de la bande noire que Herschel aperçut le premier dans la ceinture lumineuse de Saturne ; mais il ne paraît pas en être ainsi, et l’on ne peut en réalité considérer l’anneau comme composé d’une succession de ceintures séparées les unes des autres. D’ailleurs une rangée d’anneaux concentriques se trouverait dans un équilibre bien précaire à cause des attractions mutuelles de ces anneaux.

On écarte une grande partie des difficultés que nous venons de signaler en admettant, contrairement à Laplace, comme l’a fait M. G. Bond, que l’anneau de Saturne est fluide, ou du moins n’a qu’une cohérence extrêmement faible. « En effet, écrit M. G. Bond, s’il n’y a pas une cohérence considérable entre les particules, les bords extérieurs et intérieurs de l’anneau n’ont plus nécessairement la même vitesse de rotation. On peut supposer qu’il y ait un flux continuel des particules intérieures vers l’extérieur, de telle façon