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MME RECAMIER

Souvenirs et Correspondance tirés des papiers de Mme » Récamier, 2 vol. in-8o, 1859.



Ce livre est un monument de piété filiale. La piété filiale n’est pas rare, ni prompte, quand la mort lui enlève l’objet de son culte, à se dissiper dans l’oubli, ce honteux remède aux souffrances du cœur. C’est l’un des sentimens qui sont le fait de notre destinée, non de notre choix, et auxquels Dieu semble avoir voulu attacher le beau caractère de la durée, comme pour nous rappeler sans cesse que nos propres œuvres restent flottantes, et qu’aux siennes seules il appartient de ne pas changer. La piété filiale qui a voulu faire revivre pour le public Mme Récamier a quelque chose de particulier et d’original : elle est un sentiment à la fois naturel et libre, venu en même temps de la destinée et de la volonté humaine. Mme Récamier n’avait et ne devait point avoir d’enfans. « Après avoir pris les eaux d’Aix et en revenant en Touraine rejoindre Mme de Staël, elle s’était arrêtée deux ou trois jours en Bugey pour y visiter une des sœurs de son mari qui habitait ordinairement Belley, petite ville très voisine de la frontière de Savoie. Ce fut là que, séduite par la physionomie d’une petite fille de sa belle-sœur, Mme Récamier eut l’idée d’emmener et d’adopter cette enfant. La proposition qu’elle en fit aux parens fut d’abord acceptée avec reconnaissance ; puis, au moment du départ, le sacrifice sembla trop cruel à la jeune mère, et ce projet ne se réalisa pas. Quelques mois plus tard, Mme Cyvoct ayant succombé, à vingt-neuf ans, à une maladie de poitrine, M. Récamier