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qu’en 1850, et nous espérons que cette fois l’Autriche aura le dessous. Ces longues chicanes par lesquelles l’Autriche a soutenu depuis si longtemps le mauvais gouvernement de Hesse, cette page de l’histoire contemporaine de la confédération germanique et du rôle qu’y joue la cour de Vienne soutenant un prince violateur de la constitution de son pays contre de paisibles et honnêtes populations qui n’invoquent que le respect de la loi, n’est-ce point là une leçon instructive au moment où l’on veut gratifier l’Italie d’une hypothétique organisation fédérative, dans laquelle les princes autrichiens devraient payer leur restauration de constitutions octroyées ?

Quant à la cour de Berlin, à laquelle on reproche, souvent avec trop de raison, ses incertitudes et ses hésitations contradictoires, elle rencontre ici une occasion unique de faire acte de consistance et de vigueur, et de prouver au libéralisme allemand, qui peut seul lui donner la force et l’ascendant auxquels elle aspire, qu’elle ne faillira plus désormais a la défense de la liberté et de la justice. Malheureusement ces hésitations contradictoires sont la maladie chronique du gouvernement prussien. Il vient de le laisser voir encore, à propos des fêtes de Schiller, dans les ordres et les contre-ordres donnés tour à tour par la police de Berlin. Nous n’insisterons pas sur ces maladresses : elles ont été réparées par la façon dont le prince régent s’est uni à la fête nationale. Nous ne relèverons qu’une anecdote qui peint d’une façon comique les petitesses qui se mêlent aux luttes politiques en Allemagne, qui illustre les irrésolutions prussiennes, et qui montre que la rivalité et la jalousie des deux grandes puissances allemandes se poursuivent même dans les choses les plus mesquines. On sait que la garnison de Francfort est composée de troupes prussiennes et de troupes autrichiennes. Le comité qui organisait dans cette ville la fête séculaire de Schiller avait prié le commandant prussien de mettre à sa disposition les chevaux de l’artillerie pour la procession qui devait être le plus brillant épisode de la fête. Le commandant prit, dit-on, les ordres du ministère de la guerre à Berlin, lequel répondit par un refus. Le comité s’adressa alors au commandant autrichien, et celui-ci s’empressa de prêter ses chevaux. À peine en fut-on informé à Berlin, que l’on craignit de voir la Prusse battue en popularité par l’Autriche, et qu’un ordre péremptoire enjoignit au commandant prussien de mettre tous ses chevaux à la disposition du comité. L’âme de Schiller n’aura pas aperçu ces misères du monde officiel, glorieusement couvertes par le cordial enthousiasme du peuple allemand. Si nous y prenons garde nous-mêmes, c’est pour supplier le gouvernement prussien d’en finir avec ces hésitations maladroites et ridicules, et de se guérir une bonne fois de cette danse de Saint-Guy qui contracte et fait trop souvent grimacer sa politique, car cette infirmité ne nuit pas à lui seul : elle fait tort aux intérêts et aux principes dont la Prusse est appelée à être en Allemagne l’avocat persévérant, et au besoin le ferme soldat.

Nous finissons cette longue excursion en Allemagne. En revenant à la France, nous éprouvons le besoin de compléter les pensées que nous exprimions en commençant ces pages. Nous montrions dans la politique extérieure les fâcheux effets du resserrement que la vie publique a depuis huit ans éprouvé parmi nous. Les circonstances et les institutions ont pu contribuer à la léthargie que nous déplorons ; mais nous croyons qu’il faut aussi