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les campagnes anglaises. Tous les peuples qui ont conservé la langue des Romains ont plus ou moins hérité aussi de leur préférence pour la vie urbaine. Le type du gentleman farmer est inconnu en Lombardie. Les grands seigneurs italiens n’ont pas encore organisé de cattle show, pour y disputer, à l’exemple du prince Albert, les premiers prix des bœufs, des moutons et des porcs gras.

Tout en regrettant cette tendance à l’absentéisme, trop marquée chez les grands propriétaires lombards, on aurait tort de les déclarer indignes du beau pays qu’ils occupent. Les qualités physiques et morales qui rendent les peuples libres et prospères sont communes à tous les Lombards : ils sont en général grands et durs à la fatigue, soldats robustes et bons travailleurs. Leur esprit n’a point la vivacité et la mobilité qui distinguent les races méridionales ; il a plutôt quelque chose du sens calme, du jugement froid des hommes du Nord. Les Lombards tiennent des uns et des autres, de même qu’on trouve dans leur pays les climats de deux zones. Leur origine explique chez eux la réunion de ces traits divers ; leur sang semble s’être formé en proportions à peu près égales de celui des races brunes et de celui des races blondes qui ont successivement peuplé l’Europe. En effet, ils ont eu à la fois des ancêtres à cheveux bruns : les Ligures, de même origine que les Ibères, qui occupaient primitivement l’Espagne et le midi de la France ; les Étrusques, de souche asiatique et probablement sémitique, et les Romains ; puis des ancêtres à cheveux blonds : les Gaulois, les Hérules et les Alains d’Odoacre, les Goths de Théodoric, et enfin les Lombards, petite tribu germanique qui eut l’honneur de donner son nom aux populations mêlées des bords du Pô, comme les Francs donnaient le leur aux populations des bords de la Seine et de la Loire. Le sang germain est encore reconnaissable, car on rencontre à chaque pas dans les campagnes lombardes ces chevelures blondes et ces carnations blanches qui rappellent l’homme du Nord ; mais le mélange de ces races diverses ne s’est pas opéré partout avec la même régularité. Les circonstances locales et les accidens de la conquête ont fait qu’ici l’une domine, et ailleurs une autre. Ainsi on peut facilement discerner en Lombardie trois groupes différens, qui se distinguent par certaines nuances de dialecte et par certains traits particuliers. L’habitant des plaines qui longent le Pô est plus grand, plus calme dans ses mouvemens, plus grave en toutes ses manières ; son langage se rapproche de celui de l’Italie centrale. L’habitant des provinces de Milan et de Côme est plus vif, plus changeant, plus entreprenant, et l’emploi fréquent des diphthongues ferait volontiers admettre chez lui une certaine prédominance de l’élément celtique. L’habitant du Bergamasque et de Brescia est d’un tempérament plus sanguin, d’un naturel plus violent,