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qui possède un degré d’instruction bien suffisant pour la pratique de la vie politique. Le peuple lui-même est beaucoup plus avancé que ne pourrait le faire supposer la mauvaise réputation que le triste régime des états romains et napolitains a value à l’Italie sous ce rapport[1].

Le plus sérieux danger qui puisse menacer le nouveau régime, c’est l’hostilité qu’il rencontrera peut-être chez le clergé, dont l’influence est très grande sur les habitans des campagnes, lesquels forment la grande majorité de la population. En effet, quoique la Lombardie ait 13 cités importantes et 115 bourgs plus ou moins considérables, la population qui les habite est cependant inférieure à celle qui occupe les 1,981 communes rurales dans la proportion de 6 à 10, et si l’on tenait compte de tous ceux qui, quoique n’habitant pas les champs, concourent à les mettre en valeur, on constaterait que les classes agricoles forment les deux tiers de la population totale. Or, le clergé s’étant montré partout peu sympathique aux libertés modernes, très mal vues par le Vatican, il est à craindre que son influence sur cette nombreuse population rurale n’amène quelques difficultés, à moins que le sentiment de la nationalité, si puissant au cœur de tous les Italiens, ne soit plus fort que les inspirations de Rome. Ce qui pourrait aussi contre-balancer les menées hostiles du clergé, ce serait l’action naturelle que les propriétaires, tous très favorables à un régime libéral, pourraient exercer sur leurs locataires, sur les métayers, sur tous ceux qui se rattachent à l’intérêt agricole. Malheureusement, parmi les personnes riches de l’aristocratie ou de la bourgeoisie, il en est peu qui goûtent les charmes du séjour à la campagne. Une vie isolée, loin des distractions qu’offrent les sociétés des villes ou des bourgades, paraîtrait à l’homme des classes aisées un long exil. En Espagne, en Sicile, dans le royaume de Naples et même dans le midi de la France, on ne rencontre guère ces manoirs, cachés dans les ombrages d’un vaste parc, qui embellissent

  1. Quand on compare la Lombardie au reste de l’Italie et même aux autres pays du midi de l’Europe, on peut dire que l’enseignement élémentaire y est assez répandu. D’après les chiffres publiés par M. Giuseppe Sacchi dans les Annale di Statistica, on trouvait en 1850, fréquentant les écoles primaires, 137,455 garçons et 119,000 filles, en tout 256,455 enfans, ce qui fait à peu près un écolier par 10 habitans. Ce chiffre, tout insuffisant qu’il soit, est plus favorable que celui fourni par la France, où en 1850 on ne comptait que 3,335,639 écoliers, soit 1 écolier par 11 habitans. Dans les états libres de l’Union américaine, la proportion est de 1 écolier par 4,9 habitans. En Lombardie, les petits propriétaires et même les métayers envoient assez volontiers leurs enfans à l’école pendant l’hiver ; malheureusement l’été ils les gardent auprès d’eux pour faire face à divers travaux assez minutieux exigés par l’élève des vers à soie, et il en résulte que beaucoup d’enfans, fréquentant l’école irrégulièrement, n’apprennent rien, et qu’ils oublient bientôt le peu qu’ils ont appris.